JMJ : le rendez-vous de Benoît XVI avec les jeunes

Les XXes Journées mondiales de la jeunesse se tiennent à Cologne,
en Allemagne, du 15 au 21 août. Un test pour la popularité
du nouveau pape auprès des jeunes catholiques.

« N ous sommes venus l’adorer : c’est sur ce thème évoquant les Rois mages que s’ouvriront à Cologne, la semaine prochaine, les Journées mondiales de la jeunesse. Dans sa cathédrale gothique, la cité allemande s’enorgueillit d’abriter des reliques attribuées à Gaspard, Melchior et Balthazar, les trois mages d’Orient qui, selon le récit biblique, furent conduits par une étoile jusqu’à l’enfant Jésus.

Lieu de dévotion dès le Moyen Age, le sanctuaire rhénan verra donc défiler, sac au dos et look d’aujourd’hui, des jeunes pèlerins des cinq continents. 400 000 participants sont attendus pour cette vingtième édition des JMJ (dont 40 000 Français), au moins 800 000 pour la cérémonie de clôture. Du 11 au 15 août, les « jmjistes » seront répartis à travers les diocèses d’Allemagne. Du 15 au 19 août, regroupés à Cologne, Bonn et Düsseldorf, ils suivront les catéchèses dispensées par les évêques présents, et seront conviés à des spectacles et concerts. Le samedi 20 août, à Marienfeld (cet ancien site minier à ciel ouvert est situé à 20 kilomètres de Cologne), une veillée de prière réunira tous les participants autour du pape. Et c’est au même endroit, la foule ayant dormi sur place, que le souverain pontife célébrera, le dimanche 21, la messe finale.

« Le Christ vous donne rendez-vous là-bas. » C’est par cette formule qu’en 2002, concluant les JMJ de Toronto, Jean-Paul II avait appelé les jeunes à se rendre à Cologne : le vieux pape, épuisé par la maladie, sentait que le prochain rassemblement se ferait sans lui. Benoît XVI, attendu le 18 août en Allemagne, en repartira quatre jours plus tard. Cette visite dans son pays natal sera son premier déplacement hors d’Italie depuis qu’il a accédé au pontificat, et sa première grande rencontre avec la jeunesse. C’est dire si les observateurs seront attentifs à la façon dont se déroulera l’événement.

Première interrogation : comment ses compatriotes accueilleront-ils le souverain pontife ? L’Eglise d’Allemagne a beau être la plus riche du monde (l’Etat lui reverse le produit d’un impôt qui rapporte 4,4 milliards d’euros aux catholiques et 4,2 milliards d’euros aux protestants), le nombre de fidèles diminue : 28 millions de catholiques en 1990, 26 millions aujourd’hui. Le pays reste marqué par l’exemple de théologiens contestataires – type Hans Küng ou Eugen Drewermann – ou de mouvements laïcs contestant la ligne romaine (à propos, par exemple, du mariage des prêtres ou de la place des femmes dans l’Eglise) qui s’étaient déjà affrontés à Jean-Paul II.

Deuxième interrogation : alors que le pape Wojtyla, ancien acteur, maîtrisait au plus haut degré l’art de la mise en scène pour capter de vastes auditoires, et alors que, ces dernières années, son image de grand-père souffrant lui valait un regain d’affection, le pape Ratzinger obtiendra-t-il le même succès à l’applaudimètre ?

Il faut se rappeler combien, après l’émotion suscitée par la mort de Jean-Paul II, l’accueil réservé à Benoît XVI a été frais dans certains secteurs de l’opinion et dans certains médias. Depuis son élection, le pape n’a pourtant cessé de faire mentir ses détracteurs en alignant des gestes qui contredisent sa caricature de « Panzerkardinal » et la réputation de réactionnaire obtus que d’aucuns voudraient lui coller.

Son esprit d’ouverture s’est notammment manifesté à l’égard des autres confessions chrétiennes. Le 29 mai, lors du congrès eucharistique de Bari, le souverain pontife a demandé des « mesures concrètes » et pas seulement des « bons sentiments » pour avancer dans la voie de la réconciliation avec les orthodoxes. Message reçu : le patriarche de Constantinople, Bartholomé Ier, vient d’inviter Benoît XVI à Istanbul, le 30 novembre prochain, pour célébrer la Saint-André. Avec les anglicans, un document commun, intitulé Marie, grâce et espérance dans le Christ, a été publié à Londres, le 19 mai, marquant un rapprochement théologique. Le 7 mai, Benoît XVI a adressé un message à l’Eglise réformée de France, réunie en assemblée synodale, exprimant le voeu que les protestants puissent « prendre avec audace leur part de l’annonce de l’Evangile » . De même, à l’égard des juifs, Benoît XVI a plusieurs fois réitéré, depuis trois mois, son intention de poursuivre le dialogue mené par Jean-Paul II. A Cologne, il se rendra à la synagogue, geste hautement symbolique sur une terre où le judaïsme avait été décimé par les nazis.

La vision large du pape se manifeste également dans le dessein, affirmé d’emblée, d’entretenir des relations diplomatiques avec tous les Etats du monde. On sait que Jean-Paul II n’était pas parvenu à se rendre en Russie et en Chine. Concernant ce dernier pays, si le Vatican reste vigilant au sujet de la liberté religieuse, le fait que la césure entre l’Eglise patriotique (liée au régime) et l’Eglise clandestine ne soit plus si nette qu’autrefois contient des promesses. Dernier exemple en date : fin juin, l’évêque auxiliaire de Shangai a été nommé avec l’accord conjoint du Saint-Siège et des autorités chinoises.

Mais de ce point de vue, Benoît XVI s’inscrit dans la stricte continuité de son prédécesseur. Là où il introduit une rupture, c’est plus dans le style. Si le Polonais mettait son charisme personnel au service de sa fonction, le Bavarois mise sur les vertus d’un discours clair et direct, présenté dans un langage simple pour se faire comprendre : Joseph Ratzinger, ne l’oublions pas, a longtemps été professeur.

Parce qu’il a décidé de déléguer désormais la célébration des béatifications aux cardinaux et aux évêques en se réservant les seules canonisations (usage qui prévalait jusqu’à Paul VI), parce qu’il voyagera moins, parce qu’il cherchera moins le contact des journalistes, parce qu’il accordera moins d’audiences privées, des commentateurs ont conclu que Benoît XVI pratiquerait une « papauté modeste » . C’est aller vite en besogne. En réalité, le souverain pontife, qui a 78 ans, sait que le temps lui est compté. Il préfère donc se concentrer sur l’essentiel du pouvoir pontifical en privilégiant, comme il le disait le 30 mai aux évêques italiens, « l’approfondissement spirituel » .

Lors de la messe d’inauguration du pontificat, il avait affirmé : « Mon véritable programme de gouvernement est de ne pas faire ma volonté, de ne pas poursuivre mes idées, mais, avec toute l’Eglise, de me mettre à l’écoute de la parole et de la volonté du Seigneur. » Dans l’attente des actes qui porteront la marque de son magistère propre (sa première encyclique devrait paraître à la rentrée, et il présidera, au mois d’octobre prochain, un synode universel des évêques consacré à l’Eucharistie), Benoît XVI, intervention après intervention, se livre à un rappel des fondamentaux de la doctrine catholique. Pour des raisons qui tiennent à l’air du temps, le public français est surtout informé de ses déclarations sur la morale ou la famille, mais il suffit de consulter Internet pour constater que les préoccupations du pape s’expriment dans tous les domaines.

Nombreux sont, parmi les jeunes qui iront à Cologne, ceux qui avaient applaudi Jean-Paul II aux précédentes JMJ et qui crieraient volontiers, à propos du défunt pape : « Santo Subito. » Le 28 juin, bousculant les délais habituels, Benoît XVI a ouvert le procès en béatification de Karol Wojtyla. Moins, à vrai dire, pour céder à la pression des fidèles que pour canaliser leur ferveur en la soumettant aux règles de l’Eglise. C’est que, pour le pape actuel, l’expression de la foi ne doit pas relever seulement du sentiment ou de l’enthousiasme collectif : elle doit être une adhésion de l’intelligence, au-delà des humeurs de l’époque. Lors d’une de ses premières interventions, Benoît XVI avait annoncé qu’il considérait de son devoir de faire en sorte que la parole de Dieu « continue à être présente dans sa grandeur et à retentir dans sa pureté, afin qu’elle ne soit pas mise en pièces par les changements constants de la mode ».

Les « jmjistes » sont-ils prêts à entendre ce discours ? Réponse dans quelques jours. On peut remarquer, cependant, que Jean-Paul II, déjà, ne craignait pas de naviguer à contre-courant, et que cela ne lui a pas nui auprès des jeunes.

A ces derniers, à Cologne, il sera distribué un condensé du Catéchisme de l’Eglise catholique, dont la version française sortira en librairie le 22 août prochain : en 598 questions-réponses, l’essentiel de la foi et des dogmes catholiques. Une forme qui renoue avec le catéchisme d’autrefois. A Rome, le théologien de la maison pontificale, le cardinal Cottier, explique que ce petit livre veut répondre à une « ignorance préoccupante des catholiques » de leur propre religion, non seulement en raison de la « sécularisation », mais aussi peut-être en raison d’un « défaut de pédagogie » . Accomplir un effort pédagogique : ça, c’est la marque Ratzinger.

Jean Sévillia(/b>

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