Verdun vu des deux camps

Le 21 février prochain, il y aura tout juste cent ans que commençait la bataille de Verdun. A l’aube de ce jour fatidique, 1 300 canons allemands pilonnaient le front autour de la ville. N’ayant pas anticipé l’attaque, les Français, dès le 25 février, cédaient le fort de Douaumont. Leur défense se réorganisera ensuite sous le commandement du général Pétain, les renforts arrivant par l’unique axe accessible, la route Bar-le-Duc – Verdun, qui deviendra la mythique Voie sacrée. Puis ce sera l’incessant déluge d’artillerie, la prise, l’abandon et la reprise de positions avancées, les centaines de milliers d’hommes sortant de leurs tranchées pour des assauts sanglants débouchant sur des gains dérisoires. En juin 1916, l’offensive alliée sur la Somme forcera les Allemands à lâcher prise, tandis que les Français entreprendront de reconquérir le terrain perdu, entreprise achevée en décembre 1916. Bilan final : 700 000 à 750 000 pertes des deux côtés (tués, blessés et prisonniers), soit 163 000 morts français et 142 000 morts allemands. La bataille de la Somme, avec 443 000 morts dans les deux camps (dont 206 000 Britanniques), sera plus meurtrière, mais Verdun restera le symbole de la Grande Guerre dans le souvenir collectif des Français. Alors que des dizaines de livres ont été consacrés à l’événement, dans celui-ci, pour la première fois, un spécialiste français, Antoine Prost, président du conseil scientifique de la Mission du Centenaire, et un de ses homologues allemands, Gerd Krumeich, vice-président du Centre de recherche de l’Historial de Péronne, confrontent leurs points de vue. Passionnante mise en perspective. Chez les Allemands, la mythification de Verdun est postérieure aux faits (elle date de l’entre-deux-guerres), tandis que les Français ont eu dès l’époque les yeux rivés sur cette bataille, ne fût-ce que parce que les deux tiers de l’armée française ont combattu par roulement dans cet enfer. En 1984, la rencontre Mitterrand-Kohl à Verdun a marqué le début de l’édification d’une nouvelle mémoire, construction européenne oblige, la guerre étant perçue comme une épreuve partagée. Si certains en tirent des conclusions anachroniques, Prost et Krumeich sont trop bons historiens, heureusement, pour tomber dans ce travers. Un excellent livre.

Jean Sévillia

Verdun, 1916, d’Antoine Prost et Gerd Krumeich, Tallandier, 320 p., 20,90 €.

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