La biographie de Richelieu que publie Arnaud Teyssier est un des livres forts de la rentrée.
Naguère, quand l’histoire de France s’enseignait encore à l’école, tous les enfants connaissaient le célèbre tableau qui montre Richelieu, debout sur la digue de La Rochelle battue par le vent et les embruns, en train de scruter la bataille se déroulant au large de la ville assiégée. Richelieu affrontant les factions intérieures, Richelieu combattant les Anglais ou les Espagnols, Richelieu interdisant le duel : que de souvenirs… Dans notre jeunesse, le cardinal-ministre, dont l’effigie ornait le billet de 10 francs, symbolisait la rigueur personnelle, le service de l’Etat, le dévouement à l’intérêt général.
Ces images n’étaient pas des clichés. Au cours des vingt ou trente dernières années, les meilleurs historiens, de Roland Mousnier à Françoise Hildesheimer, ont confirmé l’exceptionnelle stature du personnage de Richelieu et son rôle décisif dans notre passé national. Arnaud Teyssier, ancien élève de l’ENS et de l’ENA, historien des idées politiques et des institutions, biographe de Lyautey, Péguy et Louis-Philippe, s’est à son tour lancé dans l’aventure. Ecrire une biographie de « l’homme rouge » était un exercice périlleux, tant le sujet a été exploré, et tant les sources sont partiellement lacunaires, notamment celles qui concernent les années de formation du ministre principal de Louis XIII. Le résultat est réussi au-delà de toute attente : avec ce livre superbement écrit, un des plus forts de la rentrée dans le domaine de l’histoire, l’auteur brosse un portrait amplement renouvelé de Richelieu.
Les romantiques et Alexandre Dumas avaient fait du Cardinal un tyran cruel. Si cette légende s’est dissipée, persiste l’idée qu’il était un politique froid et ambitieux. Or chez Richelieu, rappelle Teyssier, « sous le discours de l’homme d’Etat affleure sans cesse, avec une constance surprenante, celui du pasteur chargé d’âmes, du prêtre, du confesseur ». C’est sous cet angle que l’historien revisite la vie et l’oeuvre de Richelieu. Homme de foi, homme consacré, ce dernier considérait que la conduite d’un pays et le soin des âmes dépendent de la même exigence : la lutte sans cesse recommencée contre la faiblesse humaine. Selon Arnaud Teyssier, c’est dans cette profonde imprégnation chrétienne que se trouve le ressort intime d’un grand serviteur de la France, qui aimait à dire qu’il ne dormait pas la nuit afin que les autres puissent dormir à l’ombre de ses veilles.
Jean Sévillia
Richelieu, d’Arnaud Teyssier, Perrin, 528 p., 24,50 €.