N’oublions pas le goulag

Une version abrégée inédite du chef d’oeuvre d’Alexandre Soljénitsyne : pour rendre hommage aux victimes du communisme soviétique.

     C’était il y a quarante ans. Tout juste parue, la traduction française du premier volume de L’Archipel du goulag avait été un best-seller de l’été 1974 : il s’en vendrait 700000 exemplaires. Six mois plus tard, le deuxième tome obtiendrait un succès analogue, le troisième volume attendant 1976 pour être publié. Le goulag, en ce temps-là, n’était pas seulement un objet d’étude pour les historiens ou un thème d’inspiration pour les écrivains, mais une réalité tangible puisque le système concentrationnaire soviétique, s’il n’avait plus l’ampleur qu’il avait revêtu sous Staline, détenait encore 6 ou 7 millions de prisonniers. En France, toutefois, le célèbre ouvrage d’Alexandre Soljenitsyne bousculait tout le monde puisque la gauche d’alors n’aimait pas les anticommunistes et la droite, détente et affaires obligent, voulait la paix avec Moscou…

     Condamné à huit ans de bagne, en 1945, pour avoir critiqué le maître du Kremlin, l’auteur avait appartenu à l’immense cohorte des zeks, ces détenus qui, condamnés au travail forcé dans les camps de Sibérie ou d’Asie centrale, devaient survivre au froid, à la faim et à la maladie. Libéré, devenu romancier, Soljenitsyne avait écrit L’Archipel du goulag clandestinement. Une œuvre monumentale, appuyée sur le témoignage de centaines d’anciens bagnards et composée comme une fresque où passe le souffle épique d’un écrivain qui sera récompensé, en 1970, par le prix Nobel de littérature.

     Expulsé d’URSS au moment où L’Archipel du goulag paraissait en Occident, puis fixé aux Etats-Unis, Soljenitsyne augmentera ensuite son texte. Revenu en Russie après vingt ans d’exil, il aura eu le temps avant de disparaître (en 2008) de constater, non sans regret mais avec lucidité, que nos contemporains ont désormais du mal à lire une œuvre dont l’édition normale représente 1700 pages imprimées en caractères serrés! D’où l’idée, confiée à son épouse Natalia, d’établir une édition abrégée de L’Archipel du goulag. Voici enfin cette version inédite en français, et au format de poche. Avec cet abrégé, les hommes pressés d’aujourd’hui peuvent enfin accéder à un chef-d’œuvre qui constitue un bouleversant hommage aux victimes du communisme.

Jean Sévillia

L’Archipel du goulag, d’Alexandre Soljenitsyne, version abrégée inédite, Points, 904 p., 14,50 €.

 

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