Réapprendre à penser

     Celui qui tente d’analyser l’actualité, aujourd’hui, avec les simples outils du bon sens hésite entre la colère et l’abattement, tant il se heurte à des idées évidemment fausses mais qui sont exprimées, dans l’espace public, comme des évidences ou des tabous. Le fait est-il nouveau ? Pas vraiment. Depuis le siècle des Lumières, une large partie des élites françaises professe des erreurs. Combattre ces principes mensongers a fourni leur raison d’être à de multiples écoles de pensée regroupant (et parfois opposant) catholiques, contre-révolutionnaires, conservateurs, monarchistes, patriotes, nationalistes, traditionalistes, etc. Le phénomène s’est toutefois aggravé, de nos jours, d’une part parce que les cercles touchés par l’idéologie dominante se sont élargis (les milieux économiques, autrefois relativement épargnés, sont par exemple aussi contaminés que les autres), et d’autre part parce que le champ des idées fausses, lui aussi, s’est étendu. Jusqu’à il y a peu, la distinction entre un homme et une femme ou la définition du mariage (union d’un homme et d’une femme) n’étaient pas matière à débat : ce n’est plus vrai.

     Aujourd’hui comme hier, pour rebâtir notre société, il faut donc commencer par le commencement : remettre de l’ordre dans les idées. Ce que Renan, il y a presque cent cinquante ans, nommait la réforme intellectuelle et morale est plus que jamais une impérieuse nécessité. Mais les circonstances actuelles rendent l’exercice à la fois plus difficile et plus facile.

     Plus difficile, puisque tout est à revoir, à redéfinir, à réapprendre. Il faut donc revenir aux fondamentaux pour en reconnaître l’existence et le sens : Dieu, l’homme, la famille, le métier, les appartenances territoriales, la patrie, la nation, l’Europe (la vraie), la civilisation, l’Eglise. Soulignons que, dans une époque aussi décérébrée et divisée de croyances que la nôtre, où les concepts naguère admis par tous ne sont plus automatiquement partagés et où les mots eux-mêmes ont changé de sens, se faire comprendre ne va pas de soi : cela suppose du travail, de la patience, de la pédagogie et une forme supérieure de charité.

     L’exercice de reconstruction nécessaire est aussi plus facile, paradoxalement, pour au moins trois raisons.  D’abord parce que la vogue des grands systèmes idéologiques, tel le marxisme, est passée (ce qui ne veut pas dire que cette vogue ne reviendra plus jamais), et que nous avons affaire, avec le politiquement correct, à une pensée indigente, dont la fausseté se démontre aisément. Ensuite parce que le fossé entre cette idéologie dominante et le réel ne fait que se creuser. Au vu des dernières élections municipales et européennes, à qui faire croire que tout va pour le mieux dans le meilleur des systèmes politiques possibles ? Ajoutons enfin que l’état de décomposition avancée que nous subissons suscite en réaction des recompositions et des rencontres étonnantes, ainsi que le prouve, depuis bientôt deux ans, le mouvement de défense de la famille.

     Rien n’est donc perdu, jamais. Il faut du courage, de la ténacité. Et un jour, nous pourrons redire comme le grand Bainville : «Pour les renaissances, il est encore de la foi ».

 Jean Sévillia

Sauf impérieuse nécessité, ce site ne sera plus alimenté avant la fin du mois d’août 2014. A ceux qui me lisent régulièrement, je souhaite un bon été.  JS.

 

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