Entre le sabre et le Code civil

Une grande biographie signée Patrice Gueniffey montre en Napoléon Bonaparte le prototype de l’individu moderne. 

     En 2013, comment dire du neuf sur Napoléon alors qu’il s’est écrit sur lui, depuis le XIXe siècle, autant de livres que l’on compte de jours depuis sa mort ? A cette question, l’ouvrage que publie Patrice Gueniffey répond de façon magistrale. Directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, spécialiste de la Révolution et de l’Empire, l’auteur s’est imposé avec force dans la communauté des historiens, en 2000, avec un remarquable essai sur la violence révolutionnaire (La Politique de la Terreur, Fayard). Ces dernières années, on savait qu’il travaillait à une biographie de Napoléon. En voici enfin le premier tome (il y en aura deux), qui renouvelle, de fait, maintes perspectives sur un personnage dont la multiplicité des facettes, du sabreur à l’initiateur du Code civil, semble inépuisable.
     Simple officier à 25 ans, empereur à 35, déchu à 45 : la vie de Napoléon est celle d’un météore. Mais d’un météore dont la trace écrase son siècle. Il fut un temps – maintenant lointain – où les études napoléoniennes relevaient de l’histoire militaire ou de l’histoire anecdotique. Puis sont venus Jean Tulard et ses disciples, de Jacques-Olivier Boudon à Thierry Lentz, révolution historiographique qui a éclairé l’oeuvre napoléonienne dans toutes ses dimensions : diplomatique, politique, économique, administrative, etc. Tout en intégrant cet apport, Gueniffey s’attache à comprendre l’homme Napoléon. Ce volume s’arrêtant en 1802, au moment de la proclamation du Consulat à vie, l’historien montre comment le caractère et la personnalité de Bonaparte lui permettent, le moment venu, d’accéder à un pouvoir qu’il exercera sans partage. C’est ce rapport serré entre le héros et son action qui constitue la trame de cette monumentale biographie, prodige d’érudition, pourtant jamais pesante à lire.
     Patrice Gueniffey souligne que l’univers de Napoléon s’éloigne de nous et que le XXe siècle, avec ses hécatombes guerrières, a largement terni le mythe impérial. Il reste donc, pour fasciner nos contemporains, l’aventure d’un Corse qui, parti de rien, s’est bâti tout seul son destin. En ce sens, observe l’auteur, « Napoléon est une figure de l’individu moderne ».

Jean Sévillia

 Bonaparte, tome I, 1769-1802, de Patrice Gueniffey, Gallimard, 844 p., 30 €.

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