Peut-on être un roi quand on est encore un enfant ? Peut-on être un enfant quand on DOIT être un roi ? Un beau livre d’Eve de Castro.
Il est plusieurs manières d’aborder l’histoire. Celle des chercheurs patentés, qui travaillent dans les archives et les documents d’époque. Celle des passionnés, qui peuvent être enseignants, comédiens ou journalistes (tout se voit), et qui transmettent des connaissances. Et celle des écrivains qui plantent leur décor et leurs personnages dans les siècles passés.
Ces trois catégories, à vrai dire, peuvent se croiser, puisque certains historiens non universitaires manifestent la rigueur des maîtres de la Sorbonne, tandis que certains romanciers sont diplômés d’histoire. Il en est ainsi d’Eve de Castro qui, des Bâtards du soleil (1987) au Roi des ombres (2012), a magnifiquement illustré sa capacité à se mouvoir dans le Grand Siècle en brouillant les frontières entre la réalité et la fiction. Cet automne, l’écrivain poursuit dans la même veine avec un merveilleux petit livre qui est à la fois un exercice de style et une étude historique d’une grande sensibilité sur un sujet rarement traité. A travers l’exemple de François II, de son épouse Marie Stuart, de Louis XIII et de Louis XIV, Eve de Castro se penche en effet sur des « enfants rois », non pas tant pour raconter leur vie, que l’on trouve dans les biographies classiques, que pour percer ce mystère qui est autant psychologique que politique : « Peut-on être un roi quand on est encore un enfant ? Peut-on être un enfant quand on DOIT être un roi ? »
Les pages les plus fortes sont peut-être celles où l’on voit François II agoniser au milieu d’atroces douleurs – le fils d’Henri II est mort de maladie, à 16 ans, après un an de règne – tout en tentant de comprendre quelle faute il a commise pour subir un tel châtiment et en rêvant de donner un enfant à sa jeune épouse, la reine d’Ecosse, cette dernière évoquant, dans un autre chapitre, leur union ratée. Mais les scènes où Louis XIII assiste à la chute de Concini, maréchal d’Ancre, le favori de sa mère, ou celle où Louis XIV se protège en feignant le sommeil, alors que sa chambre, au Louvre, est envahie par la foule, pendant la Fronde, sont criantes de véracité. L’auteur a fait ici oeuvre d’historienne, de romancière, et de femme, puisque ses questionnements subtils sont aussi ceux d’une mère. Un beau livre.
Jean Sévillia
Enfant roi, d’Eve de Castro, Plon, 222 p., 18 €.
