Cosas de España

Une Espagne plus européenne qu’on ne le croit.

     A part une vague idée de la guerre cruelle que menèrent les armées napoléoniennes dans la péninsule Ibérique, ou le nom de Franco – évoqué pour le honnir – et celui de Guernica – cité avec apitoiement -, que savent les Français de l’histoire de l’Espagne moderne ? A peu près rien. Cette ignorance est liée à ce que, depuis deux siècles, aucun affrontement franco-espagnol d’envergure n’a eu lieu, mais aussi, d’une manière plus générale, au fait que l’Espagne, puissance hégémonique au XVIe et au XVIIe siècle, n’est plus, à l’époque contemporaine, un Etat important sur la scène internationale. Un constat qui a taraudé les historiens espagnols eux-mêmes, longtemps occupés à résoudre la question de savoir si leur pays, après le Siècle d’or, était entré dans une spirale de décadence.
     Agrégé d’histoire, directeur des études à la Casa de Velázquez à Madrid de 1997 à 2005, correspondant de la Real Academia de la Historia (Académie royale d’histoire), Benoît Pellistrandi fait ces remarques en avant-propos d’un livre qui se veut « une explication de l’histoire de l’Espagne depuis le début du XIXe siècle jusqu’à nos jours ». Mais il le fait parce qu’il a une idée en tête, à laquelle il veut amener son lecteur.

     Tout en exposant la spécificité de l’histoire espagnole, comparable à nulle autre si l’on considère la place de l’Eglise ou de l’armée dans le pays, la fréquence des pronunciamentos et des guerres civiles ou les particularismes culturels hispaniques (cosas de España, « les choses d’Espagne »), l’historien parcourt deux siècles en montrant des éléments inverses. Le libéralisme (mot d’origine espagnole), le nationalisme ou le socialisme qui se manifestent au XIXe et au XXe siècle dans la Péninsule ne sont pas radicalement différents de leurs homologues en Europe. Même l’expérience de la décolonisation, vécue très tôt par l’Espagne, a eu des effets assez semblables, sur le plan des idées, à ceux que la France connaîtra plus tard. La temporalité n’est sans doute pas la même, mais ce que fait ressortir ce passionnant ouvrage, au fond, c’est une Espagne dont l’évolution politique, économique et culturelle a été profondément européenne.

Jean Sévillia

Histoire de l’Espagne. Des guerres napoléoniennes à nos jours, de Benoît Pellistrandi, Perrin, 658 p., 27 €.

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