Benoît XVI en Autriche

« Pas d’Europe sans racines chrétiennes » : en voyage en Autriche du 7 au 9 septembre 2007, le pape a rappelé le rôle fondateur du christianisme dans la culture européenne.

A Mariazell, au cœur des Alpes de Styrie – le poumon vert de l’Autriche – se dresse un sanctuaire marial qui, en 2007, fête son 850e anniversaire. Chaque année, plus d’un million de fidèles viennent ici de tout le pays, mais aussi de Hongrie, de Croatie, de Slovaquie, de Tchéquie, de Slovénie ou de Pologne : la Vierge de Mariazell (Magna Mater Austriae, Magna Mater Hungarorum, Magna Mater Slavorum ) relie spirituellement les peuples de l’ancien empire des Habsbourg. A l’occasion de sa visite en Autriche (son septième voyage pastoral depuis son élection), Benoît XVI a tenu à se rendre ici, « pèlerin parmi les pèlerins, sur les traces de Marie, mère de Jésus ».

Ce samedi 8 septembre, depuis trois jours, les conditions météo sur l’Autriche étaient apocalyptiques : froid, vent, pluie, inondations. A Mariazell, bravant les rafales et l’humidité, la foule était pourtant là, et restera debout sous la pluie glacée pendant quatre ou cinq heures d’affilée. Quand Benoît XVI est apparu, ayant effectué par la route les 110 km qui séparent Mariazell de Vienne, l’improbable est arrivé : pendant que les cuivres de la fanfare résonnaient dans la vallée et que les drapeaux du Vatican et de l’Autriche claquaient au vent de la montagne, la foule transie s’est mise à applaudir, à crier et à chanter, agitant des foulards bleus et jaunes (couleurs de la Vierge et du Vatican) : « Benedetto, Benedetto, Benedetto… »

30 000 pèlerins à Mariazell, les plus illustres étant soumis au même régime que les plus humbles : pendant la messe célébrée par le pape, le président de la République autrichienne, Heinz Fischer, et le chancelier, Alfred Gusenbauer, engoncés dans leurs cirés de randonneurs, affronteront le vent et la pluie comme les autres. Socialistes tous deux, agnostique affiché pour le premier, ils étaient cependant visiblement heureux : Mariazell, au-delà de tous les clivages, c’est l’Autriche éternelle.

A la mort de Jean-Paul II, certains avaient prétendu que son successeur ne saurait pas parler aux foules. Erreur. Benoît XVI, lui aussi, possède une étonnante capacité de séduction, mais en jouant sur un autre registre : ce vieux professeur fait appel à l’intelligence de son auditoire, témoignage d’estime qui lui vaut d’être écouté avec attention.

Lors de ses trois jours passés en Autriche, où plus de 100 000 personnes se sont déplacées pour le voir, le pape était rayonnant : il partage la langue et la culture de ce pays, notamment sa passion pour la musique. De Haydn à Mozart, les organisateurs avaient d’ailleurs convoqué toutes les gloires de l’Autriche pour accompagner l’ensemble des cérémonies : le mélomane Joseph Ratzinger était parmi les siens.

Le pape était venu encourager une Eglise qui, comme dans toute l’Europe occidentale, subit la sécularisation de la société et l’érosion de la pratique religieuse : près de 70 % des Autrichiens sont catholiques, mais seulement 15 % vont régulièrement à l’église. Eprouvée il y a quelques années par plusieurs scandales sexuels, confrontée aux contestataires de l’association Wir sind die Kirche (Nous sommes l’Eglise), qui bénéficient d’autant plus de soutien médiatique qu’ils sont peu nombreux, cette Eglise d’Autriche est dominée par la forte personnalité du cardinal-archevêque de Vienne, Mgr Schönborn, qui fut le bras droit de Joseph Ratzinger, il y a quinze ans, lors de la rédaction du Catéchisme de l’Eglise catholique. Sous sa houlette, le catholicisme montre sa capacité à attirer une jeunesse active, notamment dans le secteur du bénévolat social. « L’amour du prochain ne peut pas se déléguer : l’Etat et la politique, comme les mesures destinées à soulager les situations de nécessité, ne peuvent pas s’y substituer », déclarera d’ailleurs le pape, à Vienne, devant un parterre de militants associatifs.

Mais en Autriche, le pape s’est en réalité adressé à l’ensemble du continent. « L’Europe ne peut pas et ne doit pas renier ses racines chrétiennes », a rappelé Benoît XVI, pour qui ces racines ne sont pas seulement un héritage. « Elles sont une composante dynamique de notre civilisation, ajoute-t-il, pour avancer dans le troisième millénaire ». Dans un discours prononcé à la Hofburg de Vienne, le Souverain Pontife citait Jürgen Habermas, philosophe athée. Un monde sans Dieu est-il sans avenir ? On peut n’être pas d’accord avec ce pape : on ne peut pas lui reprocher de poser les grandes questions. Quand il a quitté l’Autriche, dimanche dernier, le soleil était revenu.

Jean Sévillia

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