Du nouveau sur Pie XII

Alors que le réquisitoire contre le pape de la Seconde Guerre mondiale brasse toujours les mêmes arguments, le dossier de la défense s’étoffe chaque année.

C’est en 1963 que la pièce de l’Allemand Rolf Hochhuth, Le Vicaire, a incriminé Pie XII d’être resté indifférent, pendant la guerre, au sort tragique subi par les juifs d’Europe. Depuis cinquante ans, ce procès rétrospectif, repris en 2002 par Amen, le film de Costa-Gavras, se nourrit toujours des mêmes arguments, sans que des éléments nouveaux, historiquement établis, viennent étayer le réquisitoire. Du côté de l’accusation, donc, rien de neuf. Du côté de la défense, en revanche, le dossier s’étoffe. Chaque année des documents sortent, des témoignages apparaissent et des livres sont publiés qui, sans verser forcément dans l’hagiographie, s’inscrivent en faux contre l’idée que le pape de la Seconde Guerre mondiale aurait failli à sa mission. Tout juste parus, deux ouvrages viennent ainsi en renfort dans une balance que le discours médiatique déséquilibre systématiquement.
Biographe de Mussolini et de Garibaldi, Pierre Milza n’est pas familier de l’histoire de l’Eglise. Mais d’être un spécialiste de l’Italie l’a mené au cas Pie XII. C’est pourquoi il publie une biographie de celui qui fut typiquement un pape romain. Le livre a donc pour mérite d’exposer tout le parcours d’Eugenio Pacelli, de l’enfance heureuse (Pie XII était né en 1876) à la mort dans d’atroces souffrances en 1958 (1). L’auteur met en lumière l’attachement du prélat à la Ville éternelle, ses goûts d’ascète, son mysticisme. Il montre encore que Pie XII, diplomate de formation, est resté toute sa vie un diplomate, et que sa conduite pendant la guerre doit être jaugée à cette aune. Sur le sujet qui fait polémique, on aurait aimé que l’auteur fût plus incisif, dès lors que les faits sont là.
Historien de l’espionnage, journaliste d’investigation pour la BBC, l’Anglais Gordon Thomas a enquêté sur l’aide apportée par le Vatican aux juifs de Rome après l’occupation de la ville par les nazis en 1943 (2). La moisson de preuves et de témoignages apportée par l’ouvrage est très convaincante. Elle montre que tout remontait au pape. Face au drame, Pie XII a peu parlé, mais il a agi.

Jean Sévillia

(1) Pie XII, de Pierre Milza, Fayard, 476 p., 25 €.

(2) Le Secret de Pie XII. Le réseau secret du Vatican pour sauver les juifs de Rome, de Gordon Thomas, L’Artilleur, 416 p., 24 €. Traduit de l’anglais par Marc Sigala.

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