Donnez-leur de l’espérance

Tout a été dit sur la crise des Gilets jaunes. La fracture sociale qui s’est exprimée à cette occasion, en rassemblant sur les ronds-points de nos provinces et en faisant monter à Paris « la France périphérique », selon l’expression du géographe Christophe Guilluy, celle des campagnes et des grandes banlieues périurbaines, la France des agglomérations où le centre-ville se meurt, remplacé par les hideuses zones commerciales qui sont désormais le seul lieu vivant, la France des gens simples qui se lèvent tôt, travaillent dur, en rapporte un revenu modeste puis, l’âge venu, une retraite plus modeste encore. Cette France-là, enracinée, sédentaire et pauvre, s’oppose à la France urbaine, mobile et mondialisée. A cette fracture sociale s’est ajoutée, de façon criante, une fracture politique, puisque personne, dans les cercles du pouvoir, n’avait vu venir le mouvement des Gilets jaunes, tant les milieux dirigeants, dans leur quasi-totalité, sont issus de la France urbaine, et même de sa pointe la plus privilégiée. Depuis trente ou quarante ans, les élites politico-médiatiques regardent vers New-York, Strasbourg ou Bruxelles, ou s’apitoient sur les banlieues et leurs populations métissées, en oubliant l’existence d’une France de l’intérieur qui ne vote pas ou vote mal, et dont les problèmes sont invisibles en haut-lieu. Le rappel, sous cet angle, a été rude, et l’histoire retiendra peut-être que cette crise aura marqué le début de la fin pour le quinquennat d’Emmanuel Macron, ce qui ne nous rassure pas pour l’avenir, au regard des périls qui pèsent sur le pays.

Tout a été dit sur la crise des Gilets jaunes, mais pas tout. A lire ou entendre les innombrables reportages qui leur ont été consacrés, on constate combien ces malheureux sont aussi le reflet de la grande rupture des années 1965-1975 : rupture du modèle familial (dans une population où la plupart des femmes élèvent seules leurs enfants), rupture culturelle (cette France-là, consumériste en dépit de ses moyens limités, se nourrit de télévision), rupture religieuse enfin. « Il y a un siècle, la majorité des Gilets jaunes serait allée à la messe aujourd’hui », observait Mgr Ginoux, évêque de Montauban, un dimanche de décembre, interrogé par un journaliste de Famille chrétienne en rendant visite aux manifestants des ronds-points de sa ville. On ne sait pas si l’Etat saura rendre espoir aux Gilets jaunes. Leur souffrance serait adoucie, en tout cas, si l’Eglise parvenait à leur rendre le sens de l’espérance.

Jean Sévillia

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