Défaite française, Waterloo fut une victoire anglo-prussienne.
Anéantissant les efforts de Talleyrand qui négociait habilement avec les Alliés au congrès de Vienne, Napoléon, rentré d’exil le 1er mars 1815, provoque une nouvelle coalition contre la France. Le 12 juin, il lance l’offensive en Belgique, voulant battre séparément les Anglais et les Prussiens avant qu’ils ne soient rejoints par les Autrichiens et les Russes. A Ligny, le 16 juin, le Prussien Blücher est battu, mais ses troupes se retirent en bon ordre. Deux jours plus tard, le vrai choc a lieu à Waterloo où les Anglo-Hollandais commandés par Wellington, en nombre inférieur, plient de longues heures sous les assauts de Napoléon, mais sans rompre. Prudent, constamment maître de la situation, le stratège anglais attend l’arrivée des Prussiens, comptant sur eux, ses hommes étant épuisés, pour poursuivre les Français. C’est l’irruption de Blücher, événement inattendu pour Napoléon, qui a déclenché la débandade française. Waterloo est donc une victoire anglo-prussienne. Dans une biographie rééditée à l’occasion du bicentenaire de la bataille, Antoine d’Arjuzon, un spécialiste d’histoire britannique, décrit un Wellington conscient de son talent et de sa chance aussi (« Le doigt de Dieu était sur moi », dira-t-il à lady Shelley), mais persuadé de ce qu’il devait ce jour-là aux Prussiens (1). C’est la propagande britannique ultérieure qui fera de lui LE vainqueur de Waterloo.
Cette bataille est un tel mythe que certains, aujourd’hui encore, sont persuadés qu’elle fut gagnée par Napoléon. De ce paradoxe, Stephen Clarke, un Anglais qui connaît si bien les Français qu’il est capable d’aimer leurs défauts, a tiré un livre où il expose comment toute une lignée d’anciens combattants, d’historiens, de romanciers ou d’hommes politiques français ont magnifié Waterloo, tel Dominique de Villepin écrivant que « cette défaite brille d’une aura digne d’une victoire » (2). Le propos est plein d’humour, mais interroge de façon sérieuse et documentée la légende napoléonienne et un certain chauvinisme français qui préfère s’aveugler devant la réalité. Un travers qui nous a souvent joué des tours.
Jean Sévillia
(1) Wellington, d’Antoine Arjuzon, Perrin, 528 p., 25 €.
(2) Comment les Français ont gagné Waterloo, de Stephen Clarke, Albin Michel, 284 p., 20 €.