De l’esclavage aux îles

Un historien bouscule les idées reçues sur le Code noir édicté en 1685.

En inaugurant le mois dernier le mémorial de Pointe-à-Pitre, François Hollande insistait sur « la nature irréparable du crime » commis à l’encontre des victimes de la traite négrière. Sans surprise, le Président inscrivait ses pas dans ceux de Christiane Taubira. Que la traite transatlantique ait été une page honteuse du passé n’est pas douteux, mais encore faut-il l’aborder en historien – en replaçant les faits dans leur contexte et en rappelant les mentalités de l’époque – et non avec les attendus du moraliste ou du juge. Le statut de bourreau ou de victime n’est pas héréditaire : tous les Blancs ne sont pas plus des descendants d’esclavagistes que les Noirs ne sont collectivement des descendants d’esclaves.

Il y a dix ans, Olivier Pétré-Grenouilleau, un spécialiste de l’esclavage, avait été menacé de poursuites pour avoir refusé d’assimiler la traite des Noirs à un génocide : les esclaves ayant une valeur marchande, expliquait-il, leurs maîtres n’avaient aucun intérêt à les tuer. Une mésaventure analogue vient de survenir à Jean-François Niort, un universitaire qui enseigne à la Guadeloupe.  Pour avoir publié un livre sur le Code noir, cette ordonnance de 1685 qui réglementait le travail des esclaves dans les îles de l’Amérique française, l’historien est accusé de négationnisme. Répondant à ceux qui accusent ce texte d’avoir inscrit dans le droit la déshumanisation des esclaves, il montre en effet que plusieurs prescriptions du Code noir – notamment en matière religieuse – supposaient que le travailleur servile soit considéré comme un homme, et non comme une chose ou un animal. Niort souligne par ailleurs que l’intervention de l’Etat royal, posant des bornes au pouvoir arbitraire des propriétaires, créait les conditions d’une possible évolution de la législation en faveur des esclaves. Il reste que ces derniers étaient apparentés à des biens meubles, statut indigne. Mais  le chercheur rappelle aussi l’existence de rassemblements festifs d’esclaves, ou la pratique du « samedi-jardin », jour de congé s’ajoutant au dimanche chômé qui permettait aux ­esclaves  de se constituer un pécule en travaillant ailleurs que chez leur maître. Complexité de l’Histoire…

 Jean Sévillia

Le Code noir. Idées reçues sur un texte symbolique, de Jean-François Niort, Le Cavalier Bleu, 118 p., 10,95 €.

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