Un Juste parmi les Nations

Le père Marie-Benoît, un capucin, a sauvé 4500 Juifs pendant la guerre.

     Dans ses souvenirs, tout avait commencé fin 1940, peut-être début 1941. Un homme était venu le voir, dans son couvent de Marseille, afin de lui demander de secourir une jeune fille juive et sa famille. Spontanément, le capucin avait accepté parce que, déclarait-il, « il ouvrait les bras à quiconque demandait de l’aide ». A cette nuance près qu’à cette époque, ils n’étaient guère nombreux à tendre la main aux Juifs étrangers qui avaient fui les armées allemandes et que les conditions d’armistice et les directives de Vichy avaient placés dans une nasse. Mais le père Marie-Benoît n’était pas du genre à se laisser impressionner. Le bruit de son intervention s’était discrètement répandu, les cas s’étaient succédé. Il avait secouru dix, puis vingt, puis cent réfugiés juifs. Et cela avait continué : quatre ans durant, dans le sud de la France (Marseille et Nice) puis à Rome (en 1943 et 1944), le religieux avait fait de l’assistance aux persécutés et pourchassés de toutes sortes, Juifs, résistants ou aviateurs alliés, une véritable mission. Combien de personnes avait-il secourues ? Le nombre de Juifs qui lui doivent la vie sauve est estimé à 4 500. Pie XII, en 1943, avait encouragé l’entreprise de ce fils de saint François qui sera un des premiers Français, en 1966, à être décoré du titre de « Juste parmi les nations » : à Yad Vashem, le Mémorial des héros et martyrs de l’Holocauste créé par l’Etat d’Israël, un arbre a été planté en son honneur.
     Susan Zuccotti, une historienne américaine, consacre un livre à ce personnage qui mérite d’être connu. L’ouvrage ne remplace pas la biographie savante que Gérard Cholvy, professeur émérite à l’université de Montpellier, a publiée sur lui (Marie-Benoît de Bourg d’Iré, Cerf, 2010). Mais sa lecture donne à admirer l’itinéraire étonnant de Pierre Péteul, né dans une modeste famille de l’Anjou, entré en religion sous le nom de Marie-Benoît, devenu docteur en philosophie et professeur au Collège de son ordre à Rome. Ce héros modeste, mort en 1990, aura beaucoup compté dans le dialogue instauré après-guerre entre l’Eglise catholique et les Juifs, ce qui ajoute à sa dimension historique.

Jean Sévillia

Père Marie-Benoît, de Susan Zuccotti, Bayard, 446 p., 34,90 ¤. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat.

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