Pour saluer mon ami Wolfgang

Hommage à un Tyrolien.

Le 20 avril, j’ai perdu un ami. Wolfgang Pfaundler était Autrichien, mais saluer sa mémoire ici revêt un sens car sa vie publique avait été guidée par des principes qui nous réunissaient. En 1941, à 17 ans, il avait participé à la fondation, dans sa vallée du Tyrol, d’un maquis antinazi. Après la guerre, il était devenu historien, éditeur et photographe d’art, avec un unique objet d’étude : sa petite patrie. Le Tyrol, autrichien depuis le quatorzième siècle, a été coupé en deux, en 1919, sa moitié méridionale étant rattachée à l’Italie. Les Tyroliens du Sud, au vingtième siècle, ont mené le combat pour leur territoire selon des nuances allant de la contestation radicale – avec une revendication de retour à l’Autriche – à des réclamations plus réalistes en faveur d’une autonomie préservant leur identité linguistique et culturelle. Wolfgang Pfaundler s’était à fond engagé dans ce combat-là, écopant d’une peine de 20 ans de prison par contumace, en 1961, devant un tribunal de Milan, pour avoir participé à un réseau ayant plastiqué en un nuit 48 pylônes d’une ligne à haute tension traversant le Tyrol du Sud… Quand je l’ai connu, trente ans après, ses yeux riaient encore de ses folies de jeunesse. Il était devenu entre-temps un respectable érudit, auteur d’une trentaine de livres, mais devra attendre 1996 pour être amnistié par Rome et avoir le droit de franchir la frontière italienne vers son cher Tyrol du Sud. Nous nous étions liés en 1991, à l’occasion de la présentation de mon Chouan du Tyrol à l’Institut français d’Innsbruck, où maints Tyroliens n’avaient été pas peu surpris de voir un Français défendre Andreas Hofer, ce montagnard qui avait défié Napoléon. Pfaundler avait consacré un film au père Otto Neururer, un curé tyrolien mort à Buchenwald et béatifié par Jean-Paul II. Rendant hommage, au lendemain de sa disparition, à l’œuvre multiforme du « Professeur Pfaundler », un quotidien autrichien la caractérisait d’une belle formule : « l’esthétique de la résistance ». Adieu, Wolfgang.

Jean Sévillia

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