Martyrs chrétiens d’Orient

Les chrétiens du nord de l’Irak reviendront-ils jamais chez eux ?

     Les chrétiens d’Orient sont en train d’être éradiqués », déclarait l’autre jour Laurent Fabius. On pourrait ironiser au prétexte qu’il serait enfin temps que nos gouvernants se soucient d’un génocide culturel entamé il y a longtemps, mais quand le ministre des Affaires étrangères affirme que « la protection des chrétiens d’Orient est une tradition pour la France » (La Croix du 27 mars 2015), il tient au moins un discours digne de sa fonction, ce qui change de François Hollande qualifiant de « ressortissants égyptiens » les 21 Coptes égorgés par des islamistes au mois de février dernier. Encore faudrait-il que la démarche française débouche sur du concret, ce qui supposerait de profondes révisions diplomatiques et stratégiques auxquelles ni l’ONU, ni l’Elysée, ni le Quai d’Orsay ne semblent prêts.
     1,4 million de chrétiens en Irak en 1990, 400 000 aujourd’hui. 1,1 million en Syrie en 2010, 700 000 aujourd’hui… De cette lente saignée, Sébastien de Courtois est le témoin douloureux. Spécialiste des communautés chrétiennes du Moyen-Orient, auxquelles il a déjà consacré sept livres et dont il suit l’actualité depuis Istanbul, où il vit, producteur à France Culture de l’émission « Chrétiens d’Orient » et collaborateur de notre magazine, le journaliste revient sur le sujet qui l’occupe depuis quinze ans, mais sur un ton plus grave que d’habitude.
     Tout part de ce constat : « La crise de l’été 2014 marque un tournant. » Là où les chrétiens ont été chassés par centaines de milliers, au mois de juillet dernier, notamment dans le nord de l’Irak, l’auteur ne peut s’empêcher de penser qu’ils ne reviendront plus, même si les tueurs de l’Etat islamique étaient écrasés. Car en enquêtant sur place, il a vu le fossé qui s’est creusé entre les communautés, au point de rendre difficilement imaginable le retour des exilés.
     « Parfois je doute, à quoi bon lutter finalement ? » murmure Courtois, écrasé par le sentiment de la mort de la chrétienté orientale. Avant de se reprendre : « Et pourtant non, nous ne pouvons accepter ce fatalisme, le combat doit continuer par tous les moyens. » Passant du désespoir à l’espoir, ce livre poignant a tout d’un cri d’amour blessé.

Jean Sévillia

Sur les fleuves de Babylone, nous pleurions. Le crépuscule des chrétiens d’Orient, de Sébastien de Courtois, Stock, 186 p., 18,50 €.

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