La foi de Thérèse d’Avila

On commémore cette année le cinquième centenaire de la naissance de la première femme docteur de l’Eglise.

     Yeux mi-clos, bouche entrouverte, traits extatiques : le visage de sainte Thérèse d’Avila, tel que le Bernin l’a figé dans le marbre d’une célébrissime statue que l’on peut admirer dans l’église Santa Maria della Vittoria, à Rome, sert à toutes sortes de communicants et de psys qui, reflets d’une époque basse, cherchent à ravaler les expériences mystiques de la religieuse à des émois sensuels d’une femme frustrée. On commémore cette année le cinquième centenaire de la naissance, le 28 mars 1515, à Avila, en Castille, de Teresa Sánchez de Cepeda, au sein d’une famille de petite noblesse d’origine juive. Cette Teresa deviendra une des plus grandes saintes de l’histoire du catholicisme et aura même l’honneur, en 1970, d’être proclamée par Paul VI docteur de l’Eglise, première femme à porter ce titre. Deux livres qui retracent son itinéraire – et font au passage justice des clichés frelatés évoqués ci-dessus – se penchent sur ce prodigieux personnage. Romancière et essayiste (et ancienne journaliste au Figaro Magazine), Christiane Rancé éclaire sainte Thérèse d’Avila en recourant à l’influence qu’elle exerça sur maints grands écrivains, de Marguerite Yourcenar à Emile Cioran, sans oublier surtout Verlaine. Mais l’auteur, hispanisante passionnée, fait aussi revivre, à travers son héroïne, ce Siècle d’or où l’Espagne était une des principales puissances de l’Occident chrétien (1). Professeur de langue et civilisation espagnoles, Catherine Delamarre, de son côté, insiste sur le lien entre Thérèse et ses frères conquistadors partis pour les Indes, et par ce lien explore la société, les mentalités et la foi du monde hispanique au XVIe siècle (2).
     Entrée au Carmel à 21 ans, mais réellement convertie à 39 ans, Thérèse réforma son ordre et gagna Jean de la Croix à sa spiritualité exigeante. Cette mystique, cependant, n’était pas moins profondément incarnée, et se montrait attentive à son temps. Mondialisation, pouvoir de l’argent, découvertes scientifiques, guerres de Religion : les enjeux de son époque ne sont d’ailleurs pas sans écho avec la nôtre. C’est pourquoi sainte Thérèse d’Avila est éternelle.

Jean Sévillia

(1) La Passion de Thérèse d’Avila, de Christiane Rancé, Albin Michel, 300 p., 19,50 €.

(2) Thérèse d’Avila, de Catherine Delamarre, Salvator, 350 p., 24,50 €.

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