Guerre à mort en Vendée

Une étude sur les Colonnes infernales de 1794.

     De 1793 à 1796, sur une aire de 800 000 habitants, les guerres de Vendée ont fait plus de 150 000 victimes. Dans certaines communes, le nombre de morts a représenté le tiers ou la moitié de la population. Plus aucun historien, aujourd’hui, même à gauche, n’ose justifier ce massacre, alors que, dans les années 1970, avant le changement de perspective imposé par François Furet, on trouvait encore des chantres universitaires de la Terreur. Cette guerre civile continue toutefois de former une sorte de lacune historiographique, dans la mesure où les travaux véritablement scientifiques à son sujet restent rares. On saluera donc l’ouvrage d’Anne Rolland-Boulestreau, chercheur et maître de conférences à l’Université catholique de l’Ouest qui, à partir de sources jusqu’alors inexploitées, étudie l’épisode le plus atroce du drame vendéen : les colonnes infernales.
     Commencée au printemps 1793, l’insurrection de la Vendée s’achève en décembre de la même année lorsque les débris de « l’Armée catholique et royale » sont écrasés à Savenay, près de Nantes. « Il n’y a plus de Vendée, annonce Westermann à la Convention : j‘ai écrasé les enfants sous les pieds de mes chevaux, massacré les femmes qui n’enfanteront plus de brigands. » Ce n’est que le premier acte de la tragédie. Afin de prévenir un nouveau soulèvement, le général Turreau envoie six « colonnes infernales » chargées de sillonner le pays. De décembre 1793 à juin 1794, ces troupes incendient fermes et villages, détruisent récoltes et troupeaux, violent et massacrent. Anne Rolland-Boulestreau montre la violence extrême d’opérations qui se déroulent au moment où les Vendéens ont déjà été militairement écrasés, et où les armées françaises ont cumulé les victoires extérieures entre octobre et décembre 1793. Cette répression aveugle ne peut donc même pas se justifier par les impératifs du Salut public, comme on le prétendait jadis.
     L’affaire des colonnes infernales, reconnaît l’auteur, pose « la question de la responsabilité de la République dans la destruction d’un pays ». Un peuple massacré au nom du peuple : on comprend qu’il s’agisse d’un point aveugle de l’histoire de la Révolution.

Jean Sévillia

Les Colonnes infernales. Violences et guerre civile en Vendée militaire (1794-1795), d’Anne Rolland-Boulestreau, Fayard, 336 p., 21,50 €.

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