D’Hippocrate à nos jours

Nous avons beaucoup de livres consacrés à l’histoire de la médecine. Mais voici autre chose : une histoire des médecins. 

     Nous chargeons les médecins de soigner nos bobos ou nos vraies maladies, et parfois leur confions notre existence. Même lorsque nous les consultons dans des circonstances que nous aimerions mieux ne pas connaître, leur visage nous rassure. Leur savoir impressionne, au point qu’on hésite entre l’admiration ou la compassion devant les quelque neuf années d’études qui attendent un étudiant en médecine. Mais quel sort réserve la société à ces hommes qui exercent un métier si précieux ? Si la récente grève des médecins libéraux a rappelé que la vie des praticiens n’est pas un long fleuve tranquille, elle a souligné également que la profession recouvre des statuts infiniment divers. Quoi de commun, à part la médecine, serait-on tenté d’ajouter en plaisantant, entre un généraliste et un spécialiste, entre un patron d’hôpital d’une grande ville et un médecin de campagne ?
     Le statut du médecin et la diversité des types de praticiens ont également varié dans le temps. En faire l’historique est l’objet du livre que publie Stanis Perez. Professeur et agrégé d’histoire de l’Ecole des hautes études en sciences sociales, membre de la Société internationale d’histoire de la médecine et enseignant à l’université Paris-XIII, celui-ci a écrit non une histoire de la médecine – il en existe des dizaines -, mais une histoire des médecins, des origines à nos jours. Si l’Antiquité, à partir du serment d’Hippocrate, pose des fondements qui perdureront, le christianisme combine « une partie du savoir hippocratique à l’attente d’une guérison surnaturelle ». Au Moyen Age, le médecin, pourvu d’un savoir livresque, est aussi astrologue ou charlatan. La conquête d’un statut scientifique est un long processus qui s’étend sur le XVIIe et le XVIIIe siècle. A l’âge industriel, le médecin se conçoit comme un réformateur qui bénéficie d’un authentique rayonnement social, et qui est chargé de porter les progrès de la médecine jusque dans les campagnes les plus reculées. A l’époque contemporaine, la guerre, l’Etat providence et le mythe de la « santé parfaite » mettent les médecins à l’épreuve. Au tribunal, rappelle l’auteur, ceux-ci peuvent être experts, plaignants ou… prévenus. Une passionnante synthèse.

Jean Sévillia

Histoire des médecins. Artisans et artistes de la santé de l’Antiquité à nos jours, de Stanis Perez, Perrin, 470 p., 24,50 €.

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