14-18 vu d’en haut

Quels furent les buts de guerre des belligérants de 1914 à 1918 ?

     Enfin ! Enfin serait-on tenté d’écrire en découvrant ce livre consacré à la Première Guerre mondiale, à ses causes et à ses conséquences. Depuis une vingtaine d’années, les historiens étudient le sort des poilus, leur sentiment quand ils quittaient le front pour une permission, la vie à l’arrière, comment les femmes se mirent au travail dans les champs ou à l’usine, explorant des domaines qu’il ne serait venu à l’idée d’aucun chercheur d’arpenter autrefois, comme si la Grande Guerre n’avait été qu’une affaire de gouvernants, de généraux et de diplomates. Mais nous sommes tombés dans l’excès inverse, au point qu’on se demande si le public avide d’en savoir tant sur cette période sait pourquoi le conflit a éclaté et quelle portée il a exercée sur l’Europe.
     C’est ici que l’ouvrage publié par Georges-Henri Soutou est bienvenu. Professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université de Paris-Sorbonne et membre de l’Académie des sciences morales et politiques, l’auteur est un ponte de l’histoire des relations européennes. Il assume donc pleinement le projet, prenant le contre-pied de l’histoire « vue d’en bas », de faire de l’histoire « vue d’en haut », en exposant les buts de guerre de tous les belligérants, les objectifs qu’ils se fixaient au fur et à mesure des opérations militaires, et le type de système international qu’ils voulaient instaurer après le conflit. Mais son propos est particulièrement fort, car il a le courage de bousculer quelques mythes bien installés. Soutou rappelle en effet que, si la France a été attaquée en 1914, elle a joué son rôle dans la marche à la guerre, a-t-il été mineur. Paris, ensuite, a bloqué quelques possibilités de paix qui se sont présentées au cours du conflit, ainsi avec l’Autriche. Car les Français voulaient effacer la défaite de 1870 non seulement par le recouvrement de Strasbourg et de Metz, ce qui sera, mais aussi par l’abaissement de l’Allemagne comme puissance impériale. Or la guerre s’arrêtera, en 1918, alors que le potentiel allemand sera intact. Quant aux traités de 1919, ils auront pour effet de créer les conditions d’un nouveau conflit. La France, conclut l’auteur, a donc perdu la paix en 1920. Une brillante démonstration.

Jean Sévillia

La Grande Illusion. Quand la France perdait la paix, 1914-1920, de Georges-Henri Soutou, Tallandier, 380 p., 21,90 €.

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