Un nouveau roi en Espagne

Felipe VI succède à Juan Carlos

     Ce qui se joue à Madrid depuis l’abdication surprise, le 2 juin dernier, du roi Juan Carlos au profit de son fils Felipe n’intéresse pas que les amis de l’Espagne, les monarchistes ou les lecteurs des magazines people et gotha : la capacité de la monarchie espagnole à surmonter le retrait de celui qui l’a refondée à l’issue de la disparition du général Franco représente un enjeu bien plus profond.

     Faute de place, on ne reviendra pas, ici, sur le bilan du règne de Juan Carlos, sur les mérites de ce roi, sur ses réussites, comme sur ses échecs, ses fautes et ses contradictions. De 1975 à aujourd’hui, nous avons vu l’affirmation de l’unité espagnole, mais aussi la liberté laissée aux identités périphériques (Catalogne, Pays basque) de menacer cette unité ; la coexistence de la monarchie et de la démocratie d’opinion, et donc l’alternance du meilleur et du pire (par exemple, sur le plan de la loi naturelle, la légalisation du mariage gay, mais aussi la remise en cause de l’avortement) ; le maintien apparent des traditions dynastiques, mais un hiatus avec certains comportements marqués par la dégradation morale de l’époque…

     Il importe néanmoins de mesurer ce qu’incarne, en dépit de ses limites, la monarchie ré-instituée il y a quarante ans dans la péninsule Ibérique. Le roi d’Espagne incarne d’abord l’histoire d’une grande et fière nation, à l’heure où certains voudraient déraciner les peuples européens afin de les réduire à un modèle unique. La famille royale, si imparfaite soit-elle (mais quelle famille est parfaite ?), reflète aussi l’image de la famille en soi, au moment où beaucoup voudraient modifier la définition de la famille. La transmission héréditaire du pouvoir, enfin, est là pour nous rappeler que l’homme n’est pas son propre démiurge, qu’il est en premier lieu un héritier qui a pour devoir de transmettre ce qu’il a reçu.

     Ainsi la monarchie espagnole introduit-elle un coin dans le meilleur des mondes modernes dans lequel nous vivons. Il est donc raisonnable de souhaiter bonne chance au nouveau roi Felipe.

Jean Sévillia

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