Un étonnant voyageur

Le témoignage de Patrick Leigh Fermor, écrivain-voyageur disparu en 2011, sur l’Europe de l’entre-deux-guerres.

     Patrick Leigh Fermor, disparu en 2011, fut de ceux qui réussissent à mener de front plusieurs vies tout aussi extraordinaires. Ecrivain, agent secret et scénariste, ce sujet britannique, grand voyageur devant l’Eternel, a longtemps vécu en Grèce, si bien que son oeuvre charrie le meilleur de l’Angleterre comme la lumière de la Méditerranée.
     Né en 1915, fils d’un notable installé aux Indes, il commence par se faire renvoyer des meilleurs collèges du Royaume-Uni et échoue à l’examen d’entrée de Sandhurst. A 18 ans, il décide d’aller à pied de Londres à Constantinople. En 1940, la guerre déclarée, il suit une formation d’élève officier, et ses talents de polyglotte le font recruter par le SOE, les services britanniques chargés de soutenir la résistance dans les pays occupés par le Reich. De 1941 à 1944, il combat dans les Balkans, en Grèce, en Crète. Après la guerre, il écrit des scénarios pour Hollywood et prend la plume pour relater ses périples, devenant l’ami ou l’alter ego des écrivains voyageurs de son temps, de Nicolas Bouvier à Bruce Chatwin.
     En 1977 et en 1986, deux de ses livres (Le Temps des offrandes et Entre fleuve et forêt) avaient raconté son itinéraire pédestre à travers l’Europe, en 1934, mais le récit s’arrêtait sur le Danube, à la frontière de la Serbie et de la Roumanie. En 2013, la troisième partie du récit, jusqu’à Constantinople, a fait l’objet d’une publication posthume en anglais. A l’initiative d’un éditeur belge, les trois volumes sont enfin réunis, le dernier (La Route interrompue) étant inédit en français. Ils peuvent être lus pour ce qu’ils sont aussi : des livres d’histoire. Car ces souvenirs constituent un formidable témoignage sur l’Europe de l’entre-deux-guerres. L’Allemagne vient alors de se donner à Hitler, l’Autriche lui résiste, la Hongrie pleure sa grandeur perdue, la Roumanie regarde vers la France et les moines du mont Athos se tournent vers Dieu sans cesser d’être les plus grecs des Grecs. En 1934, l’Apocalypse approche – et Leigh Fermor y fera preuve de courage -, mais le jeune homme qu’il est alors vagabonde sur des chemins secrets encore pleins de bonheur.

Jean Sévillia

Dans la nuit et le vent. A pied de Londres à Constantinople (1933-1935), de Patrick Leigh Fermor, Editions Nevicata, 958 p., 29 €. Traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve.

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