Spirituel d’abord

L’assistance aux cérémonies présidées par Benoît XVI a illustré les mutations à l’œuvre au sein du catholicisme français.

Samedi dernier, Cécile H., permanente de la Jeunesse ouvrière chrétienne (JOC) en Normandie, ne se trouvait pas sur l’esplanade des Invalides. Aimant bien la Fête de l’Humanité, a-t-elle déclaré à l’AFP, elle a « préféré discuter avec des jeunes à La Courneuve plutôt que d’écouter la messe de Benoît XVI ». Un choix qui, même s’il est extrême, éclaire a contrario les soutiens dont bénéficie le pape.

D’après notre sondage, si la proportion de jugements favorables ou défavorables à Benoît XVI s’équilibre dans l’opinion générale (31 % de satisfaits, pour 32 % d’insatisfaits), les chiffres diffèrent chez les catholiques déclarés. 35 % des non pratiquants, en effet, s’affirment contents de l’action du pape, pourcentage qui s’élève à 58 % chez les pratiquants. Ces mêmes pratiquants, à 72 %, estiment que la visite de Benoît XVI a été une réussite. Les militants de la JOC, en conséquence, ne reflètent nullement la réalité du catholicisme français d’aujourd’hui.

Il faut se souvenir que, dans les années 1980, les premiers voyages en France de Jean-Paul II s’étaient déroulés dans un paysage ecclésial imprégné des idées et du style post 68 : évêques, prêtres ou fidèles étaient alors nombreux à faire une lecture sociopolitique de l’Evangile, et à bouder le pape polonais, dont la dévotion mariale les gênait. Le discours et la liturgie s’en ressentaient fortement. Quinze ans plus tard – en 1996, à Tours, à Auray et à Reims – la mue était fortement engagée : les fidèles s’étaient rendus en masse au rendez-vous de Jean-Paul II, parce qu’il leur parlait de Dieu.

Une décennie plus tard, la transformation des forces vives du catholicisme est achevée. On l’a vu sans surprise à Lourdes, parce que la cité de Bernadette est depuis toujours le refuge de la piété populaire. On l’a surtout vérifié à Paris. Les milliers de jeunes qui ont suivi les cérémonies à Notre-Dame et dans une dizaine d’églises parisiennes, et qui ont ensuite suivi le « chemin de Lumière » qui les a conduits jusqu’à l’esplanade des Invalides, étaient là pour prier.

Le lendemain, à l’aube, ils étaient rejoints par une foule qu’aucune organisation politique, sociale ou culturelle ne serait capable de réunir : 260 000 personnes. Des gens de tous âges, bien sûr, mais surtout des familles avec des enfants, d’innombrables groupes de jeunes, des prêtres et des religieuses. Venus pour voir le pape, à l’évidence, mais d’abord pour assister à la messe célébrée par lui. Donc pour prier avec lui : impressionnantes d’intériorité furent les longues minutes où un silence total régnait sur l’assemblée. Le classicisme de la cérémonie – de l’emploi du latin pour certains chants, jusqu’à la distribution de la communion sur les lèvres à des fidèles agenouillés, beaucoup ayant imité le modèle suivi par le pape – n’aura heurté personne. Preuve de l’assentiment de cette foule, pourtant diverse, à la dominante spirituelle donnée par Benoît XVI à sa visite en France.

A Lourdes, devant les évêques (dont certains, eux-mêmes, tiennent rarement ce langage), le pape a insisté sur les efforts qu’il attend de l’Eglise de France : notamment la qualité de la catéchèse et de la liturgie, et l’appel aux vocations. « On ne dira jamais assez que le sacerdoce est indispensable à l’Eglise, dans l’intérêt même du laïcat », rappelle Benoît XVI. Il n’y a pas d’Eglise sans prêtres : encore une exigence spirituelle.

Jean Sévillia

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