Retour sur le moment Guizot

Historien, ministre, chef du gouvernement, essayiste et journaliste, il fut un personnage de premier plan de son temps.

     La carrière politique de François Guizot s’est déroulée sous la Restauration et la monarchie de Juillet, deux régimes méjugés, et l’on ne retient de lui qu’une formule – « Enrichissez-vous par le travail et par l’épargne » –, souvent en ne citant que les deux premiers mots qui servent à stigmatiser l’avidité de la bourgeoisie du XIXe siècle. Cette injustice, Laurent Theis avait voulu la réparer, en 2008, en publiant une biographie (Fayard) de cet homme qui, universitaire, ministre, diplomate, essayiste et journaliste, fut un personnage de premier plan, mais que le temps et une gauche qui ne l’a jamais aimé ont contribué à faire oublier. Ayant des affinités personnelles avec le libéralisme et le protestantisme de Guizot, Laurent Theis n’aura jamais épuisé le sujet. D’où ce nouveau livre où il a réuni notamment des articles parus dans des revues spécialisées ou des communications prononcées lors de colloques savants. On n’y trouvera donc pas un exposé systématique de la carrière de Guizot, mais une multiplicité d’éclairages qui permettent, à travers sa trajectoire, de traverser un siècle, de la fin de l’Ancien Régime à l’établissement de la IIIe République.

     Professeur à la Sorbonne, Guizot se rallie à Louis XVIII en 1814. Monarchiste constitutionnel, il aspire à concilier les libertés politiques issues de la Révolution et le respect de l’ordre. Député en 1830, il soutient Louis-Philippe dont il devient ministre de l’Intérieur, puis ­ministre de l’Instruction publique (sa célèbre loi de 1833 fonde l’enseignement primaire public). Ensuite ministre des Affaires étrangères, puis chef du gouvernement, il s’attache à une ligne du « juste milieu ». ­Commettant l’erreur de ne pas comprendre que le suffrage universel est en réalité conservateur, il s’accroche au suffrage censitaire, ce qui provoque la chute de la monarchie de Juillet. Après 1848, vivant à l’écart de la politique, il se consacre jusqu’à sa mort (1874) à ses travaux d’historien. « Il fut par excellence le représentant d’une France d’une époque », écrit Laurent Theis. Le « moment Guizot », selon l’expression de Pierre Rosanvallon, ne sachant pas trouver de base populaire, eut ses limites. Il marquait néanmoins la recherche sincère d’un équilibre constitutionnel, exercice difficile en France.

Jean Sévillia

Guizot. La traversée d’un siècle, de Laurent Theis, CNRS Editions, 198 p., 20 €.

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