Pour comprendre la pensée de Benoît XVI

Joseph Ratzinger, plus que ses prédécesseurs, est un théologien. Son pontificat ne peut être expliqué qu’à la lumière de l’enseignement qu’il a dispensé avant son élection.
D’après les vaticanistes, la publication de la troisième encyclique de Benoît XVI serait imminente. Elle devrait porter sur les questions sociales. Comme pour les précédentes, il est difficile d’en savoir plus avant la parution, car le pape écrit lui-même ses interventions magistérielles, travaillant à son rythme, et supervise les traductions dans les langues qu’il maîtrise. Une confidence lâchée par le cardinal secrétaire d’Etat, Mgr Bertone, a cependant laissé entendre que, dans cette encyclique qui pourrait s’intituler Caritas in Veritate («L’amour de la Vérité»), le Souverain Pontife « ne veut pas répéter des lieux communs de la doctrine sociale de l’Eglise, mais souhaite apporter des éléments originaux, répondant aux défis de notre temps ».

Comme les autres, cette encyclique surprendra. Par sa densité, sans doute, mais surtout par la marque Ratzinger qui distingue désormais les textes pontificaux. Qu’il s’agisse de son Jésus de Nazareth (2007), livre que l’auteur présente comme une oeuvre personnelle et non comme un écrit exprimant la voix officielle de l’Eglise, qu’il s’agisse de ses discours fondateurs, comme ceux prononcés à Ratisbonne en 2006 ou à l’université de La Sapienza, à Rome, et au Collège des Bernardins, à Paris, en 2008 (1), ou qu’il s’agisse encore de ses catéchèses du mercredi (2), le pape fait montre d’une étonnante aptitude à aborder les problèmes par le haut.

Pie XII, Jean XXIII ou Paul VI étaient diplomates de formation. Jean-Paul II a été professeur, mais était plutôt philosophe. Benoît XVI, lui, a enseigné la théologie pendant près de vingt-cinq ans. Bras droit du pape polonais ou devenu pape lui-même, il est resté un théologien comme l’Allemagne sait en produire : un intellectuel dont le regard passe de la métaphysique aux considérations actuelles.

Comprendre en profondeur la pensée d’un homme qui a été élu pape à l’âge de 78 ans n’est possible que si l’on connaît son oeuvre antérieure. Or l’oeuvre de Joseph Ratzinger est immense, et partiellement disponible en français. Quand elle le sera, au demeurant – l’éditeur allemand Herder, qui lance ce chantier, prévoit 16 tomes, qui seront ensuite traduits -, son ampleur aura de quoi décourager le profane.

C’est dire si le livre d’Aidan Nichols est le bienvenu (3). Ce dominicain britannique, qui a enseigné en Angleterre et aux Etats-Unis, est un des meilleurs spécialistes du théologien Hans Urs von Balthasar. Ce dernier a fortement influencé Joseph Ratzinger. Du maître au disciple, Nichols a franchi le pas, rédigeant, il y a vingt ans, une introduction à la théologie du futur Benoît XVI.

Réédité et mis à jour, l’ouvrage est un véritable outil pédagogique : on suit la réflexion de Joseph Ratzinger par ordre chronologique, livre après livre, thème après thème. L’étude commence par les années de formation du futur pape, en Bavière, exposant les enjeux qui faisaient débat à l’époque. Nichols montre ce que Ratzinger doit à saint Augustin et à saint Bonaventure. Il expose son apport propre dans le domaine de l’ecclésiologie, de l’eschatologie ou de l’exégèse.

A propos de Vatican II, Joseph Ratzinger se caractérise par la volonté d’intégrer l’enseignement du concile à la tradition de l’Eglise : une interprétation qui légitime toute réforme, dès lors qu’elle s’inscrit comme un développement homogène au sein du catholicisme, et non comme une rupture. De même, chez lui, le souci de dialogue avec le monde se conjugue-t-il avec la volonté de ne rien altérer du dépôt de la foi chrétienne, tout comme la curiosité envers la modernité se marie-t-elle avec le refus du relativisme.

Aidan Nichols insiste sur l’importance de la liturgie. Il n’est d’ailleurs pas innocent que, dans l’édition Herder évoquée plus haut, le premier tome des oeuvres complètes de Joseph Ratzinger rassemblera des textes consacrés à cette question, dont Benoît XVI a fait un des axes de son pontificat.

A cet égard, le Motu proprio Summorum pontificum de 2007, qui élargit la possibilité de recourir au rituel latin d’avant le concile, a rencontré une certaine incompréhension. Un essai du journaliste Christophe Geffroy, témoin engagé, invite l’Eglise de France à ouvrir ses portes à la mouvance traditionaliste, tout en incitant cette dernière à comprendre ce qui lui est demandé par Rome (4). L’usage de revenir, dans les cérémonies pontificales, à la distribution de la communion dans la bouche a de même surpris. Il faut lire Mgr Schneider, évêque de Karaganda, au Kazakhstan, qui explique le sens du rite de communion pratiqué par Benoît XVI, dans une perspective à la fois théologique et historique (5).

Pour ceux qui se souviennent que Noël est une fête chrétienne, voici des cadeaux intelligents.

Jean Sévillia

1) Les trois discours de Benoît XVI à l’université de Ratisbonne, à La Sapienza et au collège des Bernardins sont réunis en un volume, commentés par le cardinal André Vingt-Trois, Guy Coq, Jérôme Vignon, le Père Jean-Robert Armogathe : Chercher Dieu, discours au monde de la culture, Parole et Silence.

2) Les textes des catéchèses que Benoît XVI a consacrées aux apôtres et aux pères de l’Eglise, de mars 2006 à février 2007, sont publiés sous le titre Les bâtisseurs de l’Eglise, des apôtres à saint Augustin, éditions Salvator.

3) La pensée de Benoît XVI, d’Aidan Nichols, Ad Solem.

4) Benoît XVI et la paix liturgique, de Christophe Geffroy, Cerf.

5) Dominus est, de Mgr A. Schneider, Tempora.

Voir aussi le coffret Benoît XVI, la visite du pape en France, deux DVD et six heures de programmes retransmettant l’ensemble des cérémonies de Paris et de Lourdes, du 12 au 15 septembre dernier, France Télévisions Distribution.

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