Napoléon et ses préfets

Une histoire de la centralisation impériale.

     En annonçant, le 6 mai dernier, vouloir réformer le fameux millefeuille territorial par le redécoupage des Régions et la disparition des conseils généraux, François Hollande a lancé un chantier dont nul ne peut prévoir l’issue. « Les départements, ce sont nos racines républicaines », répliquait, au lendemain de la prise de position du chef de l’Etat, un cacique socialiste du Sud-Ouest. Une assertion confirmée, du point de vue historique, par Jean Tulard, grand maître des études napoléoniennes, et son épouse Marie-José, une juriste, dans un livre qui étudie la centralisation sous le premier Empire.
     Alors que la France d’Ancien Régime possédait une organisation territoriale d’une complexité extrême (pays d’états, pays d’élections, généralités, bailliages, sénéchaussées, paroisses, diocèses…), la Constituante, en 1789 et 1790, institue la commune, le district et le département. Le triomphe du jacobinisme, au cours de la décennie révolutionnaire, confirme ce système qui ne revêt son caractère pleinement centralisateur qu’avec la loi qui, sous le Consulat, instaure la nomination des maires par l’Etat et crée le corps des préfets et sous-préfets. Ce sont ces représentants du pouvoir central, dotés d’attributions étendues mais étroitement dépendants de Paris, qui permettent à Napoléon, à l’apogée de son règne, d’administrer 134 départements, chiffre explicable par le fait que des territoires belges, hollandais, allemands, suisses, italiens ou espagnols furent un temps de vrais départements de la France napoléonienne, au moins sur le papier.
L’ouvrage de Jean et Marie-José Tulard participe à la fois de l’histoire de l’administration française et de l’étude du système impérial. Il s’étend assez longuement sur les limites de la centralisation napoléonienne, exposant les défaillances qui résultaient des campagnes de l’Empereur, des difficultés de communication ou des carences de personnel.
     En conclusion, les auteurs s’interrogent sur la pérennité du modèle napoléonien, écorné notamment par les lois Defferre de 1982. Mais c’est pour aboutir à la conclusion que « la centralisation reste profondément ancrée dans nos moeurs ». Un constat que François Hollande ferait bien de méditer.

Jean Sévillia

Napoléon et 40 millions de sujets, de Jean et Marie-José Tulard, Tallandier, 404 p., 24 €.

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