Le monde d’hier en Hongrie

Un immense écrivain à découvrir : Sándor Márai.

     Il est mort en 1989, quelques mois avant la chute du communisme en Europe de l’Est. Vivant aux Etats-Unis, malade et isolé, il était une gloire oubliée. En Hongrie, entre les deux guerres, Sándor Márai avait été un journaliste et un romancier célèbre. En 1948, après la prise du pouvoir par les communistes, il avait fui son pays. Exilé en Italie puis en Amérique, il avait continué à écrire, mais sans rencontrer le succès. En France, son nom est resté inconnu jusqu’à ce que les éditions Albin Michel, dans les années 1990, entreprennent de publier son oeuvre. Désormais traduite dans de multiples langues, celle-ci vaut à Sándor Márai d’être reconnu, post mortem, comme un des grands écrivains européens du XXe siècle. Lire ses chefs-d’oeuvre, La Conversation de Bolzano, Les Braises ou Métamorphoses d’un mariage, c’est découvrir un moraliste de l’étoffe d’un Stefan Zweig.
     Dans son pays, ce Magyar avait vu la chute de la monarchie des Habsbourg et la révolution bolchevique de Béla Kun, l’installation du régime autoritaire du régent Horthy (1) et la montée du nationalisme et de l’antisémitisme, dans les années 1920-1930, l’entrée en guerre contre l’URSS au côté du Reich, en 1941, l’occupation par la Wehrmacht, en 1944, et enfin la victoire de l’Armée rouge en 1945, événements qu’il a évoqués dans Les Confessions d’un bourgeois et Mémoires de Hongrie.
     A ces livres, Ce que j’ai voulu taire, manuscrit retrouvé et publié l’an dernier à Budapest, ajoute un post-scriptum (2). Le texte court de l’annexion de l’Autriche par Hitler, en 1938, au départ de l’auteur de Hongrie en 1948. « Durant ces dix ans, souligne Márai, un mode de vie et une culture ont disparu. Je suis né dans ce mode de vie et cette culture et, lorsque j’ai compris que ce mode de vie bourgeois n’existait plus dans ma patrie, j’ai éprouvé un calme étrange. » Le récit de ce naufrage, sous la plume d’un écrivain qui incarne le combat de la civilisation contre la barbarie totalitaire, a valeur de leçon d’histoire.

Jean Sévillia

(1) La première biographie française de ce personnage controversé vient de paraître : L’Amiral Horthy. Régent de Hongrie, 1920-1944, de Catherine Horel, Perrin, 472 p., 25 €.

(2) Ce que j’ai voulu taire, de Sándor Márai, Albin Michel, 224 p., 18 €. Traduit du hongrois par Catherine Fay.

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