Fouché, ombre et lumière

Une biographie du redoutable ministre de la police de Napoléon.

     Quand un ministre de l’Intérieur prend ses fonctions, il invoque souvent Georges Clemenceau, son illustre prédécesseur Place Beauvau. On imagine mal un membre du gouvernement se revendiquer de Joseph Fouché, qui fut un des plus efficaces ministres de la Police de notre Histoire, mais qui traîne une réputation sulfureuse.
      Emmanuel de Waresquiel, qui lui consacre une biographie de 800 pages, confesse que le personnage, à l’origine, ne lui était pas sympathique. Pour se lancer dans cette aventure, il lui aura fallu la découverte d’un fonds d’archives privé qui ouvrait des perspectives inédites. Ancien élève de l’ENS et chercheur à l’Ecole pratique des hautes études, Waresquiel, il y a dix ans, avait publié une mémorable biographie de Talleyrand. Il récidive avec un Fouché qui s’inscrit d’emblée dans les grands livres de la rentrée. Ayant puisé à toutes les sources possibles, l’auteur jette une lumière nouvelle sur une figure dont on croyait tout savoir.
     Religieux de l’Oratoire sans être prêtre, Joseph Fouché est professeur de collège. Rallié à la Révolution, député à la Convention, il vote la mort de Louis XVI et participe activement à la Terreur. Emporté par la chute de Robespierre à laquelle il a néanmoins travaillé, rattrapé par Barras, il est nommé ministre de la Police en 1799, entrant au service de Bonaparte lors du 18 Brumaire. Jusqu’en 1809, à part une interruption de deux ans, il sera le maître d’un réseau d’informateurs qui le fera craindre même par Napoléon. Disgracié mais titré duc d’Otrante, il reprendra son poste pendant les Cent-Jours, puis contribuera au retour de Louis XVIII, en 1814, avant d’être contraint à l’exil par l’ordonnance frappant les régicides. Il mourra à Trieste, en 1820, haï des légitimistes, des bonapartistes et des républicains.
     Chateaubriand, Balzac, Dumas et Hugo tisseront sa légende noire. A la suite de Louis Madelin et de Jean Tulard, l’historien Waresquiel cherche, chez Fouché, la vérité d’un homme. Le portrait fait ressortir « l’ambivalence » et les « contradictions » d’un protagoniste majeur de la transition entre l’ancienne et la nouvelle société, confronté au défi de la refondation de l’Etat après la Révolution. La démonstration de l’auteur est convaincante. Elle ne parvient pas, cependant, à inspirer de l’amitié pour son personnage : la « pieuvre » Fouché n’est pas de ces héros que l’on aime admirer.

Jean Sévillia

Fouché. Les silences de la pieuvre, d’Emmanuel de Waresquiel, Tallandier/Fayard, 882 p., 29,90 €.

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