Derrière le Rideau de fer

Anne Applebaum raconte l’écrasement de l’Europe de l’Est sous la botte soviétique à l’apogée du stalinisme.

     Rideau de fer » : peu savent que l’expression fut lancée par Winston Churchill. Le 5 mars 1946, alors qu’il n’était plus Premier ministre, l’homme d’Etat britannique, alors en voyage aux Etats-Unis, prononçait au Westminster College de Fulton (Missouri) un discours dans lequel il appelait Américains et Anglais à s’allier face à l’expansionnisme soviétique : « De Stettin dans la Baltique jusqu’à Trieste dans l’Adriatique, un rideau de fer est descendu à travers le continent ». C’était le début de la guerre froide. Le « rideau de fer », pendant plus de quarante ans, allait séparer deux univers.
     Anne Applebaum est une journaliste et historienne américaine, spécialiste de l’URSS. On lui doit une remarquable étude sur le système concentrationnaire soviétique (Goulag. Une histoire, traduit chez Grasset en 2005). Et voici maintenant le livre qu’elle a publié il y a deux ans aux Etats-Unis et qui se penche sur une question rarement abordée : l’écrasement de l’Europe de l’Est sous la férule soviétique lors de l’apogée du stalinisme.
     Six ans de travail dans les archives ont été nécessaires pour écrire l’ouvrage. Car Anne Applebaum, en bonne chercheuse, quête de l’inédit. Et, dans ces 600 pages, elle en apporte en effet. En focalisant son regard sur l’Allemagne, la Hongrie et la Pologne, de la fin de la Seconde Guerre mondiale à la déstalinisation voulue par Khrouchtchev, en 1956, pour sauver le régime, l’auteur met en lumière la dépendance totale des démocraties populaires vis-à-vis de Moscou, véritable centre de décision du bloc de l’Est. Contrôle de la société et de l’économie, embrigadement de la jeunesse, nettoyage ethnique, purges, répression intérieure : la mécanique totalitaire se déploie sur des peuples qui passent pour avoir été libérés parce qu’ils ont échappé au nazisme. Mais c’est souvent le même appareil policier qui défend la faucille et le marteau après avoir servi la croix gammée…
     Une incroyable chape de silence pèse sur cette histoire en Europe occidentale, tant le communisme y bénéficia (et y bénéficie encore) de complicité ou d’indulgence. Avec ce livre, Anne Applebaum fait donc oeuvre salutaire.

Jean Sévillia

Rideau de fer. L’Europe de l’Est écrasée, 1944-1956, d’Anne Applebaum, Grasset, 600 p., 28 €. Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Pierre-Emmanuel Dauzat.

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