L’Eglise face à l’islam

Les propos iconoclastes d’Alain Besançon.

Etudiant communiste, Alain Besançon avait démissionné du PCF, en 1956, après le choc du rapport Khrouchtchev. Devenu historien, aujourd’hui membre de l’Institut, il aura été un analyste lucide du système soviétique à l’époque où tant de ses pairs regardaient Moscou avec les yeux de Chimène. Ce qui distinguait ses travaux, toutefois, était la place qu’il accordait à la dimension quasiment métaphysique et théologique du marxisme. Car le matérialisme dialectique, selon ce soviétologue, était dans la pratique une foi : « Lénine croit qu’il sait mais il ne sait pas qu’il croit », a écrit Besançon.

Cette sensibilité au fait religieux a guidé l’historien dans ses recherches ultérieures sur l’iconoclasme, le nazisme ou le protestantisme américain. Elle l’a incité à réunir des articles parus dans la revue Commentaire avec trois textes inédits pour former un volume consacré aux « problèmes religieux contemporains ». Le thème est à soi seul iconoclaste dans la mesure où l’hyperlaïcisme actuel refuse de voir que le facteur religieux est un élément d’analyse sociale et culturelle que l’on ne peut occulter. Mais Alain Besançon n’est pas du genre à se laisser intimider par la doxa dominante. Après avoir par exemple étudié, dans cet ouvrage, la tentation communiste éprouvée, des années 1950 aux années 1980, par certains catholiques, il se demande si l’Eglise contemporaine a compris l’islam. En 1965, la déclaration Nostra Aetate de Vatican II exprimait une volonté de dialogue interreligieux s’adressant aussi aux musulmans. Or le nombre de catholiques s’est effondré depuis en Europe, et l’islam s’y est implanté par le jeu de l’immigration, tandis qu’au Moyen-Orient les chrétiens disparaissaient par l’émigration et la conversion. « Nulle part la réciprocité n’est acquise », observe Alain Besançon. Et pourtant, en 2013 encore, l’Exhortation apostolique Evangelium gaudium du pape François contenait un long passage sur le dialogue avec l’islam qui paraissait tiré de Nostra Aetate. Au regard des faits survenus en cinquante ans, estime par conséquent l’auteur, l’Eglise devrait changer de « matrice de compréhension »… Ce propos irrévérencieux n’est qu’un aperçu de ce livre bien peu politiquement correct, et donc précieux.

Jean Sévillia

Problèmes religieux contemporains, d’Alain Besançon, Fallois, 278 p., 22 €.

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