Une épopée chinoise

Quatre hommes ont dominé la Chine au XXe siècle.

    En reconnaissant la Chine populaire, en 1964, à une époque où le monde était divisé entre l’Est et l’Ouest, le général de Gaulle choisissait le principe de réalité : au-delà du système communiste qui régnait à Pékin, il y avait la Chine, pays-continent appelé à devenir un des grands acteurs de la planète. De Gaulle, avec sa culture historique, distinguait les nations, dotées de permanences, et les idéologies, par nature contingentes. Mutatis mutandis, un esprit analogue a inspiré notre ami Rémi Kauffer pour raconter le destin de la Chine au XXe siècle, dans un livre passionnant, à travers la trajectoire de quatre hommes qui ont successivement dominé le pays. Dans cette fresque vivante, la Chine millénaire et la Chine moderne s’entrecroisent sans cesse.
     Tout commence avec Sun Yat-sen (1866-1925), fondateur du Guomindang, mouvement révolutionnaire qui emprunte à l’Occident les trois idées du nationalisme, de la démocratie et du socialisme, et qui lance la lutte armée avec le soutien de l’URSS et des communistes. Après la mort de Sun, son héritier Chiang Kai-shek (1887-1975) unifie la Chine et devient président de la République, mais rompt avec les communistes qui se retirent dans la province du Jiangxi sous la direction de Mao Zedong (1893-1976). En 1937, la guerre sino-japonaise contraint Chiang à conclure une trêve avec les communistes. En 1947, le rapport des forces s’inverse : Mao prend l’offensive et poursuit Chiang, qui se replie à Taïwan et transforme l’île en bastion anticommuniste. Désormais maître de la Chine, Mao impose pendant vingt-cinq ans une dictature sanglante, dont les victimes se comptent par dizaines de millions. Après sa disparition et la liquidation de la « bande des quatre », Deng Xiaoping (1904-1997) entreprend de réparer les dégâts de l’ère maoïste en modernisant la Chine et en l’ouvrant vers l’extérieur. Les actuels dirigeants chinois, héritiers de Deng, ont maintenu son modèle. Rémi Kauffer pose la question de savoir si cette lignée parviendra à se maintenir « sur la voie étroite du développement économique sans démocratisation réelle de la politique et de la société ». Les faiblesses internes de la Chine, puissance géante, pourraient donc infléchir son avenir de manière imprévisible.

Jean Sévillia

Le Siècle des quatre empereurs, de Rémi Kauffer, Perrin, 478 p., 24 €.

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