Le 1er septembre dernier, une circulaire du ministère de l’Education nationale demandait aux enseignants de l’école primaire de consacrer « le plus régulièrement possible quelques minutes à un débat philosophique, à un échange sur la morale ». Retour de la morale à l’école ? Une polémique s’enclenchait alors. Les uns, situés plutôt à droite, approuvaient l’initiative, rêvant de voir les maîtres inscrire sur le tableau noir des maximes du genre de celles qu’on apprenait à l’école communale de leur enfance : « Ne fais pas à autrui ce que tu n’aimerais pas qu’on ne fasse », « Qui vole un œuf vole un bœuf ». Les autres, situés plutôt à gauche, s’en inquiétaient, craignant la résurrection des méthodes pédagogiques de « l’école de grand-papa ».
Les uns et les autres avaient tort. Le ministère de l’Education nationale, le voudrait-il, ne possèdepas les moyens de réintroduire la morale laïque à l’école. En premier lieuparce que les instituteurs n’y sontpas prêts. La circulaire du ministre, Luc Chatel, rejoindra donc la longue série des textes jamais appliqués, comme les dispositions deFrançoisFillon, en 2005, et de Xavier Darcos, en 2008, en vue de restaurer l’éducation civique et morale. En second lieu, et c’est plus essentiel,parce que la morale laïque n’existe plus. La morale de l’anticlérical Jules Ferry, quoique laïcisée, reposait sur un substrat anthropologique issu du Décalogue et qui faisait encore consensus. La déchristianisation de notre société et la révolution individualiste post 68, qui a érigé au rang de dogme le libre-arbitre en matière de valeurs, empêchent aujourd’hui un accord sur la définition du bien et du mal.
A l’heure du gender, des cours de morale dispensés par l’école laïque (et par celles des écoles qui n’ont plus de catholiques que le nom) ressembleraient à des séances de catéchisme moralement correct, dont on devine les têtes de chapitres : respect, tolérance, diversité, indignation. Autant s’en passer. Pour apprendre la morale, il reste le catéchisme. Le vrai.
Jean Sévillia
