Il était un apôtre de la justice sociale.
C’est un anniversaire passé inaperçu de la France officielle, mais il est vrai que Frédéric Ozanam, né il y a deux cents ans, n’est guère à la mode. La biographie que lui consacre Gérard Cholvy, professeur émérite d’histoire contemporaine à l’université Paul-Valéry-Montpellier III, fait revivre la figure tourmentée de cet homme qui rêvait d’« enserrer le monde entier dans un réseau de charité ».
Né en 1813 et mort en 1853, Ozanam a vécu les quarante années de sa courte existence (il est mort d’une maladie rénale) dans un monde où les lois sociales que nous connaissons et les mécanismes de protection de l’individu face à la pauvreté, à la maladie ou au chômage n’existaient pas. Son obsession, précisément, fut d’y remédier.
Collégien à Lyon, puis étudiant à Paris, il fonde avec des amis, en 1833, alors qu’il a 20 ans, une « société de charité » qui deviendra la Société de SaintVincent-de-Paul, œuvre catholique d’aide aux démunis, dont le succès (planétaire) dépassera toute attente. Docteur en droit et en lettres, professeur de littérature étrangère à la Sorbonne en 1841, Ozanam continue, parallèlement à son activité universitaire, de s’intéresser à ces questions. Il devient ainsi un des inspirateurs du christianisme social, développant des considérations sur les salaires, le travail des femmes et des enfants ou la condition ouvrière, à une époque, encore une fois, où tout était à faire dans ce domaine.
Gérard Cholvy montre l’évolution de sa pensée politique : royaliste légitimiste dans sa jeunesse, Ozanam est ensuite catholique libéral, à la manière d’un Lamennais ou d’un Lacordaire, puis républicain en 1848. « Passons aux barbares », s’exclame-t-il, les barbares étant les prolétaires qui forment une nouvelle catégorie de la population dont il faut s’occuper. Fidèle de Pie IX, alors pape libéral, il rêve de « faire passer l’esprit du christianisme dans les institutions républicaines ».
Il y avait une grande part d’idéalisme, chez Frédéric Ozanam, comme chez tous les quarante-huitards chrétiens. Il est mort trop tôt pour perdre ses illusions, mais son amour concret des pauvres lui vaudra d’être béatifié par Jean-Paul II en 1997.
Jean Sévillia
Frédéric Ozanam, de Gérard Cholvy, Artège, 318 p., 19 €.