Le roi s’en va, l’Etat demeure

Un souverain se doit de savoir bien mourir

     A ce jour, François Mitterrand est le dernier en date des chefs d’Etat français que nous avons vus mourir. En se détournant des contingences politiciennes et en se tournant, au contraire, vers les « forces de l’esprit », le Président « s’était moins attaché à prendre congé des Français que de lui-même », observe Patrice Gueniffey, avant de poursuivre par ce commentaire : « Cette fois, c’en était bien fini du vieux rituel de la mort royale et de l’idée qui l’avait matérialisée pendant tant de siècles : la perpétuité du royaume, ou celle de la nation. » Spécialiste de la Révolution et de l’Empire, récemment auteur d’une remarquable biographie de Bonaparte, Gueniffey préface un livre (coédité par Le Figaro Histoire) dans lequel 18 historiens – dont lui-même – racontent les derniers jours et le trépas de 19 souverains français (ou considérés tels, en ce qui concerne les temps les plus anciens). En 814, la mort de Charlemagne fait le lien entre la mort des empereurs romains païens et la mort des rois francs chrétiens. En 1270, devant Tunis, Louis IX meurt comme un saint. En 1559, Henri II, victime d’un accident de tournoi, s’éteint dans d’atroces souffrances supportées avec courage. En 1715, la mort de Louis XIV représente le grand coucher du Soleil. En 1793, celle de Louis XVI signifie la fin d’une époque : « Le couperet avait tranché, en même temps que la tête du roi, le mystère de l’incarnation royale », remarque Patrice Gueniffey. En 1850, Louis-Philippe, exilé en Angleterre, meurt de chagrin et d’amertume autant que de vieillesse et de maladie. En 1873, Napoléon III, lui aussi exilé outre-Manche, rend l’âme, miné par la maladie de la pierre, mais il était déjà mort à Sedan trois ans plus tôt.
     « La monarchie, écrit Gueniffey dans sa préface, est, de tous les régimes politiques, le seul qui épouse le cycle biologique : la naissance, la procréation et la mort y sont des étapes importantes. » Bien mourir, dans la perspective chrétienne qui a été celle des rois de France, c’est se mettre en règle pour le grand passage, mais c’est également laisser de soi une image digne, tant pour la postérité que pour son successeur, car si le corps du roi est mortel, l’Etat, lui, ne meurt jamais.

Jean Sévillia

Les Derniers Jours des rois, sous la direction de Patrice Gueniffey, Perrin – Le Figaro Histoire, 360 p., 19,90 €.

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