Le 14 juillet, c’est pas la fête

Une date qui a longtemps divisé et fâché.

     Le 14 juillet 1789, quelques milliers d’émeutiers s’emparent des armes et des canons des Invalides. A l’autre bout de Paris, la Bastille est également prise d’assaut, non par la population spontanément mobilisée, mais par une bande d’agitateurs qui ont préparé l’opération. La forteresse, érigée au Moyen Age, est devenue une prison d’Etat au XVIIe siècle; depuis les années 1770, elle est dénoncée par les libellistes comme un symbole de l’arbitraire royal. Au moment où la Révolution gronde dans Paris, le gouverneur Launey (ou Launay) laisse entrer les assaillants. Il est assassiné, et sa tête est fichée au bout d’une pique. Des entrailles de l’édifice sont extraits, en fait de victimes de l’absolutisme, sept prisonniers, dont quatre faussaires, un libertin et deux fous. Ces deux derniers, dès le lendemain, sont discrètement conduits à Charenton…

     Telle est la véritable histoire de la prise de la Bastille, que Claude Quétel, infatigable décrypteur de légendes, raconte en ouverture d’un livre qui se lit d’un trait, mais qui n’est pas fait pour les esprits conformistes, puisque l’auteur n’y entreprend rien de moins que de déconstruire le mythe du 14 Juillet. Quétel, en effet, ne se contente pas de la vérité sur le 14 juillet 1789. Il raconte aussi le véritable 14 juillet 1790, et la fête de la Fédération, présentée partout comme un moment d’unité nationale, en prend pour son grade. Qu’ont fait Napoléon Ier, Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe et Napoléon III du 14 juillet? La réponse se trouve là aussi. C’est la IIIe République, en 1880, qui a fixé la fête nationale à cette date. L’historien rappelle toutefois que la vieille droite préférait la fête de Jeanne d’Arc, la gauche le 1er mai, et que Vichy brouillera tout en adoptant toutes les fêtes, mais en modifiant leur sens. Paradoxe français : le 14 Juillet est une fête nationale qui divise et qui fâche.

     Après la guerre, cette fête a cependant fait consensus en devenant la fête de l’armée. Et aujourd’hui, à l’heure du postnational et de l’homo festivus (Philippe Muray), Quétel préfère encore le 14 Juillet aux lendemains de victoires sportives ou à la Gay Pride. Comment lui donner tort?

Jean Sévillia

Le Mythe du 14 Juillet ou la Méprise de la Bastille, de Claude Quétel, JC Lattès, 430 p., 19 €.

Et aussi : La Bastille dévoilée par ses archives, édition présentée par Claude Quétel, Omnibus, 1044 p., 29 €.

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