La fin de la Vieille Autriche

La Grande Guerre viendra à bout de l’empire des Habsbourg

Lorsqu’on évoque la Vienne des années 1900, capitale du Jugendstil, de l’Art nouveau et de la Sécession, ville marquée par l’architecture d’Otto Wagner, la peinture de Klimt, la musique de Schönberg ou le théâtre de Schnitzler, il est trop souvent convenu, en France, de parler de la «Vienne de la décadence». Comme si la décennie qui avait précédé la Grande Guerre n’avait fait qu’annoncer la fin de l’Autriche-Hongrie, survenue en 1918. Grave contresens.

Par quel miracle une vie culturelle aussi riche, nécessairement liée à des conditions socio-économiques favorables (un architecte ou un peintre ont besoin de clients), par quel miracle, donc, cette vie culturelle aurait-elle pu s’épanouir dans un cadre politique menacé en permanence? La fin de la monarchie danubienne n’était donc pas fatale: pour que s’effondre cet empire multiséculaire, il a fallu la conjonction de multiples facteurs, certains tenant aux circonstances, d’autres aux personnes, tous n’étant pas inéluctables, loin de là. Mais surtout, il a fallu le grand choc de 14-18, gigantesque conflit qui usera les forces austro-hongroises et qui finira, au siècle des nationalismes, par avoir raison du loyalisme dynastique qui unissait aux Habsbourg la douzaine de peuples d’origine germanique, slave ou magyare qui vivaient sous leur sceptre.

C’est ce que montre Jean-Paul Bled, sans conteste le meilleur spécialiste universitaire de la Double Monarchie, déjà auteur de multiples biographies abordant le sujet, de François-Joseph à François-Ferdinand d’Autriche, dans un ouvrage qui, s’il ne contient pas de révélations, constitue une excellente synthèse sur une page d’histoire peu connue. L’auteur raconte donc la crise de juillet 1914, l’entrée en guerre, l’alternance de revers et de victoires des armées impériales, la fin de François-Joseph, les efforts de son successeur, le jeune Charles Ier, aidé de sa femme, l’impératrice Zita, en faveur de la paix, ses tentatives de réformes intérieures, son échec final.

«Une lumière s’est éteinte», observe Bled, au terme de son récit. Si le lien n’est pas direct, il est permis de remarquer que la liquidation de la monarchie habsbourgeoise facilitera la tâche d’Hitler et de Staline.

Jean Sévillia

L’Agonie d’une monarchie. Autriche-Hongrie 1914-1920, de Jean-Paul Bled, Tallandier, 464 p., 25,90 ?.

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