« Intouchables » : pourquoi ce succès ?

Toucher du doigt la joie.

     Comme tous les phénomènes de société, celui-ci mérite un instant d’attention. Au moment où cette chronique est rédigée, Intouchables, le film d’Eric Tolédano et Olivier Nakache, vient de passer la barre des 10 millions de spectateurs. Ce chiffre, selon les spécialistes, pourrait avoir atteint les 15 millions lorsque ces lignes seront publiées. En quelques semaines, le film se sera inscrit au palmarès de l’histoire du cinéma français. Tout le monde a plus ou moins entendu parler du scénario, adapté de l’histoire véridique de Philippe Pozzo di Borgo (Le Second souffle, Bayard, 2011). Cloué dans un fauteuil roulant à la suite d’un accident de parapente, Philippe, un riche aristocrate (François Cluzet à l’écran), engage comme aide à domicile un jeune de banlieue, Driss (Omar Sy), tout juste sorti de prison. Entre ces deux hommes si différents et que rien ne destinait à se rencontrer, va naître une amitié inattendue.

     La critique a été (presque) unanimement louangeuse. D’aucuns insistaient, avec raison, sur la transformation que le sentiment d’être aimé sans pitié peut opérer sur un blessé de la vie. D’autres se réjouissaient du numéro de Driss, le caïd des cités racheté par son bon fond. D’autres encore soulignaient malgré tout le côté mélo du film, ses naïvetés politiquement correctes. Tous ces jugements avaient leur part de vérité, mais ce ne sont pas eux qui ont précipité 15 millions de spectateurs au cinéma.

     Le succès d’Intouchables pourrait bien s’expliquer par une raison toute simple : il s’agit d’une histoire pleine de chaleur humaine, d’une comédie qui fait rire. Entre la crise économique, les problèmes d’insécurité ou les menaces diverses qui planent sur nos têtes, les occasions de rire sont rares, alors que les facteurs d’inquiétude se multiplient : fait révélateur, le mot « anxiogène » est aujourd’hui à la mode. Notre société manque en effet de joie, et quand le cinéma lui en fournit, l’artifice fait son effet. Il reste à se demander, question dérangeante, si la déchristianisation de notre société n’est pas pour rien dans cette perte du sens de la joie.

Jean Sévillia

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