En 1949, 869 000 enfants sont nés en France, contre 600 000 en 1939. Un bond spectaculaire, paradoxalement entamé sous l’Occupation, prolongé jusqu’au milieu des années 1950, et dont les effets se feront encore sentir dans les années 1970. Ces décennies du baby-boom ont été contemporaines d’une formidable mutation sociale, la France passant d’un type encore rural à un modèle dominé par l’industrie, mais où le secteur tertiaire et les activités de loisirs faisaient une percée. La fin de l’Algérie française accélérera le processus, les appelés échappant désormais à la guerre. « Sur le berceau de cette génération, observe Jean-François Sirinelli, s’étaient penchées quatre fées [les « 4 P »] : la paix, la prospérité, le plein emploi et le progrès comme ligne d’horizon » (1). Auteur de nombreux livres sur la France du XXe siècle, l’historien explore le destin collectif des Français nés entre 1945 et 1955, en parallèle avec l’évolution socio-culturelle du pays, de la Libération à nos jours. Une passionnante synthèse qu’il prolonge jusqu’au moment où les « 4 P » cèdent la place à « 2 P », la société post-industrielle et la planétarisation des échanges économiques et culturels, nouveau tournant historique.
Au recensement de 1968, près de 34 % des Français étaient âgés de moins de 20 ans. Dans cette donnée démographique, dans la mutation anthropologique de l’époque – de la pénurie vers l’abondance et du collectif vers l’individuel – et dans la liberté sexuelle naissante s’annonce, au moins autant que le gauchisme, le Mai 68 des étudiants. Daniel Cohn-Bendit fut un symbole de ces journées fiévreuses qui révolutionneront les mentalités. Christine Clerc relate une rencontre (imaginaire) entre Dany-le-Rouge et de Gaulle, dans la nuit du 28 mai 1968, avant le mystérieux départ du Général pour Baden-Baden (2). Un dialogue vraisemblable, qui témoigne d’un choc des générations qui nous a coûté cher.
Jean Sévillia
(1) Génération sans pareille. Les baby-boomers de 1945 à nos jours, de Jean-François Sirinelli, Tallandier, 280 p., 20,50 €.
(2) Le Tombeur du Général, de Christine Clerc, Allary Editions, 222 p., 18,90 €.
