La Fayette, héros centriste

Une biographie du « héros des deux mondes », personnage contradictoire.

La traversée de l’Océan par L’Hermione, au printemps, l’accueil enthousiaste du navire aux Etats-Unis puis son retour triomphal à Brest, le 10 août, ont rappelé aux Français l’odyssée du marquis de La Fayette. En 1780, ce dernier avait embarqué sur L’Hermione originelle, une frégate de 26 canons, afin d’annoncer au général Washington que Louis XVI envoyait d’importants renforts aux Insurgents américains. Parti combattre à 20 ans aux côtés des colons révoltés contre la couronne d’Angleterre, revenu en France afin de plaider leur cause, le jeune officier, en dépit de ses voeux, n’avait pas obtenu le commandement du corps expéditionnaire français, confié à Rochambeau, d’une part parce qu’il était trop jeune, d’autre part parce qu’il n’avait cessé, à Versailles, de mêler réflexions stratégiques et considérations politiques sur le conflit américain, ce qui avait indisposé contre lui. C’était la première fois, ce ne serait pas la dernière. Comme le montre la biographie que lui consacre Jean-Pierre Bois, un spécialiste d’histoire militaire du XVIIIe et du XIXe siècles, La Fayette, archétype de l’homme des Lumières, aura été guidé toute sa vie par l’aspiration à la Liberté (avec un grand L), ambition qui, après le succès de l’affaire américaine, lui vaudra maintes déconvenues. Pour son rôle dans la guerre d’Indépendance, le vainqueur de Yorktown, citoyen d’honneur des Etats-Unis, est resté un mythe outre-Atlantique. En France, la suite de sa carrière est moins connue, si bien que ce livre documenté a le mérite de la retracer avec clarté. En octobre 1789, comme lors du retour de Varennes, en 1791, La Fayette, commandant de la Garde nationale, protège la famille royale autant qu’il contribue à la soumettre au pouvoir de l’Assemblée et de la rue. Ami puis adversaire de la Révolution, hostile à Napoléon, opposant sous la Restauration, favorable à la prise du pouvoir par Louis-Philippe, puis opposant sous la monarchie de Juillet, le « héros des deux mondes », personnage contradictoire, mourra septuagénaire, au terme de la quête, écrit Jean-Pierre Bois, d’un « centre libéral et constitutionnel qui ne serait ni monarchie absolue ni république démocratique ». Cette voie moyenne était introuvable, mais l’Histoire est pleine de rêves impossibles.

Jean Sévillia

La Fayette, de Jean-Pierre Bois, Perrin, 496 p., 24 €.

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