Jeanne et ses juges

Le 23 mai 1430, Jeanne d’Arc est capturée par les Bourguignons devant Compiègne. Six mois plus tard, elle est livrée aux Anglais, puis incarcérée à Rouen où le chapitre de la cathédrale accorde une concession de territoire à l’évêque de Beauvais, Cauchon, afin qu’il ouvre un procès pour les crimes que la Pucelle, faite prisonnière dans son diocèse, aurait commis : avoir « vécu dans le dérèglement et dans la honte, au mépris de l’état qui convient au sexe féminin », et avoir « semé et répandu plusieurs opinions contraires à la foi catholique ». Le 9 janvier 1431, la procédure s’engage. Quinze interrogatoires ont lieu entre le 21 février et le 17 mars. Les 27 et 28 mars, l’acte d’accusation est lu à la jeune fille. Au cours des semaines suivantes, diverses exhortations lui sont données. Jamais elle ne cède devant ses accusateurs. Le 24 mai, toutefois, face au bûcher où Cauchon commence à lui lire la sentence de mort, Jeanne faiblit : s’en remettant à l’Eglise pour la foi à accorder à ses voix, elle renonce à porter des vêtements d’homme en échange de la promesse d’être gardée par des femmes, dans une prison d’Eglise. La sentence étant commuée en prison à perpétuité, la Pucelle est reconduite dans son cachot anglais, au mépris de la parole qui lui a été donnée. Là, elle subit une tentative de viol. Quatre jours plus tard, elle remet par conséquent ses habits d’homme. Dès lors considérée comme relapse, elle est brûlée vive, le 30 mai, sur la place du Vieux-Marché… De ce procès d’inquisition , les minutes ont été conservées. Il révèle, face à des juges qui mentent et qui trichent, l’intelligence de Jeanne d’Arc, sa vivacité d’esprit, son courage, sa simplicité, parfois ses fragilités. Avocat et essayiste, Jacques Trémolet de Villers publie les pièces intégrales de la procédure tout en les analysant – la typographie distinguant clairement le texte et le commentaire. Ce faisant, l’auteur ressuscite la formidable dramaturgie de ce procès truqué, qui sera annulé vingt-cinq ans plus tard, mais auquel on se surprend à rêver à une autre fin. Précieux document historique, ce beau livre est aussi une leçon politique et spirituelle, et un émouvant exercice d’admiration pour Jeanne d’Arc, le plus pur des symboles français.

Jean Sévillia

Jeanne d’Arc. Le procès de Rouen (21 février-30 mai 1431), lu et commenté par Jacques Trémolet de Villers, Les Belles Lettres, 316 p., 24,90 €.

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