Jacques Duclos, agent soviétique

En ce début d’année 2016, il n’est pas trop tard pour présenter un livre paru à l’automne dernier mais que nous n’avions pas pu traiter. En dépit de son grand intérêt, la presse lui a réservé un accueil discret. On devine pourquoi : l’ouvrage, une biographie de Jacques Duclos, va à l’encontre des légendes roses courant au sujet du communisme français, sujet tabou. Duclos ? Le nom de ce dirigeant du PCF, mort en 1975, ne dira rien aux jeunes générations. L’homme joua pourtant un rôle politique capital : numéro deux du parti communiste, il fut un exécutant zélé des ordres de Moscou. On le savait déjà, mais Frédéric Charpier, un journaliste d’investigation, le confirme à la suite de l’enquête qu’il a menée dans les archives des services de renseignement français, suisses, américains ou britanniques.
Natif des Hautes-Pyrénées, fils d’artisan, apprenti pâtissier, Jacques Duclos est un autodidacte. Ancien combattant de Verdun, il adhère dès 1920 au tout nouveau parti communiste. Elève de l’école des cadres, permanent en 1925, député de Paris en 1926, réélu en 1928, il effectue son premier voyage en URSS en 1930. Il y est remarqué, ce qui lui vaut de devenir un agent du Komintern (l’Internationale communiste) et de prendre place, aux côtés des Thorez, Frachon et Waldeck Rochet, dans l’équipe qui, guidée par Moscou, conduira la politique du PCF jusque dans les années 1960-1970. Dur parmi les durs, Duclos sera de tous les coups : la stratégie de Front populaire, la lutte contre les trotskistes, le soutien au pacte germano-soviétique, les négociations avec les Allemands en vue de la reparution de L’Humanité à l’issue de la défaite de 1940. Quand les communistes entrent dans la Résistance, en 1941, c’est lui, Thorez étant à Moscou, qui prend la direction du parti clandestin. Après guerre, fidèle jusqu’au bout à Staline, Duclos est membre du bureau politique, sénateur, candidat à la présidentielle de 1969 (21 % des voix au premier tour !). Au-delà des révélations sur cet homme qui aura obéi en tout aux Soviétiques, Frédéric Charpier montre l’implantation au coeur de la République, pendant cinquante ans, d’une machine totalitaire aux ordres de l’étranger.

Jean Sévillia

L’Agent Jacques Duclos. Histoire de l’appareil secret du Parti communiste français, 1920-1975, de Frédéric Charpier, Seuil, 360 p., 22 €.

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