Frédéric II démythifié

Une biographie du légendaire petits-fils de l’empereur Barberousse.

Empereur germanique, roi de Jérusalem et roi de Sicile, Frédéric de Hohenstaufen (1194-1250) est de ces personnages flamboyants de l’histoire universelle qui ont inspiré les écrivains (Voltaire et Nietzsche) comme les historiens : le grand savant allemand Ernst Kantorowicz lui a consacré une biographie qui, parue dans l’entre-deux-guerres et constamment rééditée depuis, est à sa manière indépassée, tandis que le sulfureux Jacques Benoist-Méchin a tiré de sa vie un de ses meilleurs livres.

« Le volume des travaux consacrés à Frédéric II défie l’imagination », observe Sylvain Gouguenheim. Qui s’est néanmoins attaqué au sujet, parce qu’il possède les titres pour cela : professeur à l’ENS de Lyon, auteur d’une thèse sur les chevaliers teutoniques, Gouguenheim est un de nos meilleurs spécialistes de l’espace germanique médiéval. Dans les archives allemandes, italiennes ou françaises, il a trouvé la matière nécessaire pour renouveler le portrait du petit-fils du célèbre Barberousse, ce qui nous vaut cet ouvrage lumineux.

Gouvernant l’Allemagne de loin, puisqu’il a passé l’essentiel de sa vie en Sicile et en Italie du Sud, Frédéric II représente « une pensée politique traduite en actes ». Le souverain, souligne Gouguenheim, s’attacha à construire un Etat puissant en exerçant les droits royaux et impériaux. Cette ambition, à l’instar de ses prédécesseurs, le fit entrer en conflit avec la papauté. Excommunié, déclaré parjure et hérétique, l’empereur finit par être déposé par le pape Innocent IV.

Dans la quatrième partie du livre, l’auteur balaie un certain nombre d’anachronismes qui ont cours à propos de Frédéric II. S’il protégea les juifs, il combattit avec ardeur les hérétiques : contrairement à ce qui se dit, il ne fut nullement un apôtre de la tolérance, concept inconnu en son temps. De même ne fut-il pas un adepte du multiculturalisme, puisqu’il fit une guerre sans merci aux dernières poches musulmanes de Sicile. « Même délivré des mythes et des légendes qui le rendent multiforme et intemporel, voire opaque, conclut Gouguenheim, Frédéric II demeure un personnage étonnant, en aucun cas un souverain médiocre. » Une belle leçon d’histoire.

Jean Sévillia

Frédéric II, un empereur de légendes, de Sylvain Gouguenheim, Perrin, 428 p., 24 €.

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