Bad Ischl, impériale retraite

La station thermale autrichienne fut la résidence d’été de l’empereur François-Joseph et de son épouse, Elisabeth, dite Sissi. Son style et son élégance n’ont pas changé.

Des montagnes, des lacs, des villages fleuris, des églises baroques, des auberges cossues et des maisons couvertes de fresques. Clichés ? Qu’y faire si les clichés reflètent la réalité ? C’est au coeur du Salzkammergut, contrée autrichienne qui ressemble à une carte postale, à 57 km au sud-est de Salzbourg, que se trouve Bad Ischl (14 000 habitants). La ville représente la quintessence de la culture locale qui marie l’harmonie de l’eau et de la montagne, l’héritage de l’histoire, de la musique et des traditions.Bad Ischl est une station thermale. Ses bâtiments du XIXe siècle – établissements de cure, grands hôtels, belles villas – lui confèrent naturellement un charme fin de siècle. Mais en outre, elle a été pendant soixante-dix ans la résidence d’été de l’empereur François-Joseph. Le cachet impérial sur lequel veillent comme sur un trésor le maire et le conseil municipal de Bad Ischl, pourtant socialistes…

La ville, aujourd’hui, est à l’image de son histoire. Aux « beautiful people », Bad Ischl préfère les élégances bon chic-bon genre. À la tombée du jour, quand ne déambulent plus que ceux qui vont passer la nuit chez eux ou à l’hôtel, on croise, outre les curistes, des familles d’industriels, de médecins, d’avocats ou d’universitaires. Ils séjournent ici depuis des générations et la plupart de ceux qui mangent une glace chez Zauner sur le coup de 17 heures ont passé leur journée à jouer au golf, à faire du VTT ou à randonner sur les centaines de kilomètres de chemins des environs. La nature et le grand air sont les maîtres mots de la station.Sous les Romains, l’endroit vit de l’extraction et du commerce du sel. Au Moyen Âge, la cité, dont l’existence est attestée en 1262, a toujours le sel pour activité principale. La saline du Salzberg entre en fonction dès 1563, et la saumure y est préparée à partir de 1571. À l’époque du Biedermeier, période qui suit le Congrès de Vienne et la fin des guerres napoléoniennes, un médecin local soigne les travailleurs des mines en leur prescrivant des bains de saumure chaude. Convaincu par la méthode, un de ses confrères viennois, Franz Wirer, inaugure en 1823 un établissement de cure pour quatre-vingt patients. Bientôt, on vient de tout l’empire prendre les eaux à Bad Ischl.

Les fiançailles de Sissi

Suprême honneur pour la ville, des membres de la famille impériale y suivent des cures. Notamment le frère de l’empereur Ferdinand Ier, l’archiduc François-Charles. Appelé à régner après son frère qui n’a pas d’enfant, celui-ci n’a pas non plus d’héritier, ce qui met en péril l’avenir de la dynastie. Cependant les eaux de Bad Ischl exercent un effet magique sur François-Charles et son épouse Sophie : coup sur coup, le couple a trois fils qui seront surnommés par la population les Salzprinzen, « les princes du sel ». L’aîné de ces trois garçons, François-Joseph, deviendra empereur en 1848, et régnera sur l’Autriche jusqu’en 1916.En 1853, ses fiançailles avec sa cousine la princesse Elisabeth en Bavière, dite Sissi, ont lieu à Bad Ischl, dans la maison qui est actuellement le musée de la ville. En 1854, à l’occasion de son mariage, l’archiduchesse Sophie, sa mère, lui offre le petit château qui deviendra la villa impériale. Dans cette résidence d’été, où il recevra trois fois le roi d’Angleterre Edouard VII, François-Joseph séjournera chaque année jusqu’en 1914.Devenue ville impériale, Bad Ischl attire des têtes couronnées et des célébrités. Le compositeur Anton Bruckner y vient régulièrement, de même que Johannes Brahms. En 1897, Johann Strauss fils dirige en personne sa Chauve-Souris au Kurtheater. Franz Lehár, l’auteur de La Veuve joyeuse (1905), s’installe dans une villa bâtie sur le quai de la Traun, rivière qui traverse la cité, et y viendra tous les étés jusqu’en 1948, année de sa mort. La villa Lehár, transformée en musée, donne une idée du mode de vie d’un musicien dans l’Autriche d’autrefois. En hommage à Lehár, Bad Ischl accueille chaque été un festival d’opérette.

Au fronton de la buvette (Trinkhalle), ancien établissement thermal datant de 1831, s’étale une inscription latine : In sale et in sole omnia consistunt, « Tout se fonde sur le sel et le soleil ». À partir de ce bâtiment, il faut emprunter la Pfargasse, l’élégante rue commerçante. C’est dans cette artère que se trouve le salon de thé Zauner. Fondé en 1832, ancien fournisseur impérial, ce café-pâtisserie propose jusqu’à cent variétés de gâteaux. Modernité oblige, ils peuvent désormais être achetés en ligne (www.zauner.at).Pour visiter la villa Lehár, on doit franchir la Traun par l’Elisabethbrücke. On revient ensuite sur ses pas pour déboucher sur l’Esplanade, une promenade dont les villas et les cafés surplombent la rivière. Dans le Kurpark s’élève le Kurhaus, le plus ancien bain de saumure d’Autriche, aujourd’hui servi par la technologie la plus moderne.Sur la rive gauche de l’Ischl, l’autre rivière qui baigne la ville, la Kaiservilla se dresse au milieu de son immense parc. Dans cette vaste demeure Biedermeier dotée d’une colonnade à l’antique, une quinzaine de pièces sont ouvertes à la visite. Le propriétaire, Markus Habsburg, un descendant collatéral de la famille impériale d’Autriche, joue parfois les guides. On voit le bureau où François-Joseph, en 1914, apprit l’assassinat de son neveu François-Ferdinand à Sarajevo et signa la déclaration de guerre à la Serbie. 50 000 trophées amassés en soixante-dix années traduisent la passion du souverain pour la chasse. Dans le parc se cache le Marmorschlössl, un pavillon construit en style gothique anglais pour Sissi : c’est aujourd’hui un musée de la photo qui mérite le détour.

Veste à boutons de corne

Comme tous les espaces verts de Bad Ischl, le parc de la Kaiservilla a été rénové cette année. Sous l’intitulé « Les nouveaux jardins de l’Empereur », l’ensemble forme une exposition florale et botanique ouverte jusqu’au 4 octobre. Les thèmes déclinés par les jardiniers se rattachent à la vie de François-Joseph et de Sissi.Ce mythique empereur dont tout le monde connaît l’effigie, avec ses moustaches et ses favoris immaculés, est donc présent partout ici. Chaque année, entre le 15 août, fête de l’Assomption, et le 18 août, qui était son jour anniversaire, Bad Ischl célèbre sa mémoire : messe en l’église paroissiale (au cours de laquelle on chante le Gott erhalte, l’ancien hymne impérial), parade militaire en costumes d’époque, feu d’artifice. Ces festivités se déroulent dans un pays parfaitement républicain, mais dans un mélange des genres entre le passé et le présent dont l’Autriche a le secret.Illustration à la devanture d’une agence immobilière : la maison de neuf pièces bâtie en 1855 pour Katharina Schratt, comédienne amie de François-Joseph, est toujours debout et en vente au prix de 1,95 million d’euros. Illustration encore avec le Tracht – le costume traditionnel, masculin ou féminin -, souvent porté dans la région du Salzkammergut. Chez Lodenfrey, à côté du Kurpark, ou chez Schauermoden, dans la Pfargasse, les amateurs de vestes à boutons de corne et de robes dans le style alpin trouvent plus que leur bonheur. Séjourner à Bad Ischl, c’est goûter au plaisir tranquille de changer d’époque. Alors autant le faire jusqu’au bout.

Jean Sévillia

CARNET DE ROUTE

Y ALLER Vols quotidiens Paris-Munich avec Air France. Environ 180 eur. Tél. : 36 54 et www.airfrance.fr. Puis 2 heures de route.

Y LOGER Au Goldenes Schiff, en bord de rivière. Élégance et restaurant gastronomique. Entre 100 et 250 eur la nuit. Tél. : 00 43 61 32 24 241 et www.goldenes-schiff.at.

SE RENSEIGNER Office national autrichien du tourisme. Tél. : 0 800 941 921 et www.austria.info.fr Office du tourisme de Bad Ischl. Tél. : 00 43 6132 27757 19 ; www.badischl.at

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