Avec les chrétiens d’Orient

Pourquoi les chrétiens d’Orient sont-ils les hommes en trop ? Un livre de Jean-François Colosimo.

     Il a fallu l’assaut des djihadistes de l’Etat islamique contre le nord de l’Irak, cet été, et l’exil forcé de dizaines de milliers de chrétiens, pour que les dirigeants occidentaux daignent s’inquiéter d’un phénomène qui n’est pourtant pas nouveau : dans le berceau du christianisme, les fidèles du Christ, hier déjà menacés, sont aujourd’hui en voie de disparaître. L’opinion s’en émeut aussi, pour des raisons humanitaires d’abord mais également parce que les traditions religieuses des chrétiens d’Orient (icônes, monastères perdus dans le désert, liturgies somptueuses) fascinent nos sociétés en quête de beauté religieuse.
     Editeur, essayiste et enseignant, Jean-François Colosimo ne regrette pas cet intérêt subit, lui qui vit en communion, depuis trente ans, avec le christianisme oriental : lui-même chrétien orthodoxe, il enseigne l’histoire de la philosophie et de la théologie byzantine à l’Institut Saint-Serge de Paris. Mais il ne peut se satisfaire des réflexes émus ou des bons sentiments qui ont cours actuellement. Avec finesse, il souligne que ces réactions en disent plus sur les préjugés de l’époque que sur les chrétiens orientaux. C’est par conséquent dans la profondeur historique, philosophique et théologique, et dans la lucidité géopolitique, qu’il appelle, dans ce nouveau livre, à comprendre pourquoi, dans notre monde, les chrétiens d’Orient sont « les hommes en trop ».
     Turquie, Irak, Syrie, Liban, Israël, Palestine, Jordanie, Egypte… D’un pays à l’autre, la situation varie du plus au moins dramatique. L’auteur ne dissimule rien, mais il traque les idées trop simples. Il rappelle par exemple que si le christianisme a pratiquement disparu en Turquie, la faute n’en revient pas aux musulmans, mais au nationalisme laïc et révolutionnaire d’Atatürk, inspiré par la Révolution française. L’islam comme l’Occident, dans cette étude, en prennent pour leur grade.
     Ce livre, parfois excessif, est au passage injuste avec l’Eglise romaine – elle aussi présente en Orient. Il a sa part subjective quand Colosimo médite à partir de sa propre histoire sur le martyre de ses frères en esprit. Mais cette touche personnelle confère toute leur saveur à des pages qui forment une manière d’explorer le chemin qui mène de l’homme à Dieu.

Jean Sévillia

Les Hommes en trop. La malédiction des chrétiens d’Orient, de Jean-François Colosimo, Fayard, 300 p., 19 €.

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